LES DEMONS DE LA NUIT
(Shock)
Réalisateur : Mario Bava
Année : 1977
Scénariste : Lamberto Bava, Gianfranco Barberi, Alessandro Parenzo, Dardano Sacchetti
Pays : Italie
Genre : Thriller, Horreur
Interdiction : -12 ans
Avec : Daria Nicolodi, John Steiner, David Colin Jr., Ivan Rassimov, Nicola Salerno...
L'HISTOIRE : À la suite du suicide de son mari, un héroïnomane brutal, Dora Baldini subit un traitement adapté à son cas en hôpital psychiatrique. À sa sortie, sept ans plus tard, elle revient s’installer dans son ancien domicile avec Bruno, son nouveau compagnon, et son fils Marco, issu de son premier mariage. Bruno étant stewart dans une compagnie aérienne et souvent absent, Dora s’occupe seule de l’éducation de Marco qui agit de manière de plus en plus étrange, son comportement devenant franchement inquiétant et hostile. Dora commence à le soupçonner d’être pourvu de pouvoirs paranormaux, en même temps que sa maison semble hantée par d’horribles souvenirs refoulés...
MON AVIS : Mario Bava est l'un des plus brillants réalisateurs du cinéma italien et du cinéma fantastique et d'épouvante ! On lui doit bon nombre de purs classiques du genre, à l'image de films tels Le Masque du Démon (1960), Les 3 Visages de la peur (1963), Le Corps et le Fouet (1963) ou Opération Peur (1966) entre autres. On lui doit aussi quelques perles de la science-fiction ou de solides westerns, ainsi qu'une excellente adaptation de fumetti avec Danger: Diabolik! C'est également lui qui initia les codes du giallo italien avec La Fille qui en savait trop (1963) et surtout 6 Femmes pour l'Assassin (1964). Et tant qu'à faire, on peut lui attribuer également d'être à l'origine du slasher movie avec La Baie Sanglante (1971). Principalement reconnu pour son sens inné de l'esthétisme et son incroyable travail sur les couleurs au sein de ses films, l'aura de Mario Bava brille de mille feux chez les fans de cinéma de genre et c'est amplement mérité. Reste que au début des années 70, l'épouvante gothique commence à lasser et ne trouve plus son public, surtout qu'un nouveau réalisateur italien du nom de Dario Argento vient de dynamiter le cinéma de genre avec un giallo innovant, L'oiseau au plumage de Cristal (1970) et qu'il va continuer sur sa lancée, enchaînant les succès commerciaux en Italie et de par le monde, avec Le Chat à Neuf Queues (1971), 4 Mouches de Velours Gris (1971) et Les Frissons de l'Angoisse (1975) qui redéfinisse le genre et l'emmène dans un univers réaliste qui plait aux spectateurs. Si Mario Bava a tâté cette approche réaliste avec La Baie Sanglante, il replonge dans l'épouvante à l'ancienne ensuite et en recontre plus le même succès. Il n'a donc pas le choix, il doit changer sa façon d'appréhender le cinéma de genre et entrer lui aussi dans une certaine modernité. En 1974, il s'y essaye avec Les Chiens Enragés mais suite à de gros souci financier de la part des producteurs, ce film ne sortira qu'en 1997 ! Néanmoins, il retente l'expérience en 1977, avec le dernier film de sa brillante filmographie : Les Démons de la Nuit. Clairement, on peut dire qu'il a réussi son pari tant ce film diffère de tout ce qui a précédé, et notamment dans sa façon de filmer. Exit les ambiances quasi surréalistes, exit le travail sur le jeu de couleur, exit l'épouvante gothique à l'ancienne et place à la modernité avec ce thriller giallesque fantastique que n'aurait pas renié Dario Argento ! Détail amusant, Bava choisit pour interpréter l'héroïne de son film la femme de ce dernier, à savoir Daria Nicolodi. L'actrice est ici époustouflante et tient le film sur ses épaules, donnant une réelle épaisseur à son personnage, emmenant le spectateur dans un double-univers, un double-questionnement qui perdurera durant les 90 minutes : Est-ce réellement le spectre de son défunt ex-mari qui la tourmente et semble posséder l'esprit de son jeune fils ou est-ce elle qui sombre dans une psychose maladive due à de sombres secrets, qu'on devine au fil de l'avancée de l'intrigue et des indices liés à certains événements vus à l'écran ? Toute l'ambiguité du film de Bava est capitalisée sur cet aspect, au spectateur de démêler le vrai du faux ! Un contexte purement giallesque donc, avec de petites touches de fantastique - ou pas - disséminées deci delà, et servi par une mise en scène efficiente qui fait mouche et, surtout, qui fait preuve d'une vraie modernité 70's. Toutes les séquences qu'on peut classer dans le fantastique, telles la balançoire qui bouge toute seule par exempe, peuvent provenir de l'esprit de l'héroïne, qui semble obséder par quelque chose dans cette maison dans laquelle elle a habité auparavant avec son premier mari, un toxicomane qui s'est suicidé, la laissant seule avec son fils. On peut se questionner sur la raison qui pousse son nouveau compagnon, joué par John Steiner, à vouloir venir vivre dans cette maison au lourd passé pour sa femme, passé qui ne fait que la fragiliser émotionnellement. Le film de Bava joue également avec les codes du film de maisons hantées ainsi qu'avec ceux du film de possession. Le comportement du petit garçon, interprété par le tout jeune David Colin Jr., semble lui aussi évoluer au contact de l'ambiance sourde qui règne dans la demeure. Pourquoi est-il attiré par la cave ? Pourquoi vole-t-il une culotte à sa mère ou l'épie-t-il sous la douche ? Un comportement troublant, voire malsain, qui ne cesse d'évoluer dans la mauvaise direction et nous fait penser qu'il est possédé par l'esprit du défunt mari, qui peut évoluer à travers le corps de son fils. Le mystère reste entier et l'atmosphère mise en place par Bava se montre de plus en plus anxiogène pour l'héroïne, qui voit sa raison vaciller de plus en plus, et les nombreuses visions, rêves et cauchemars qu'elle fait durant tout le film n'y sont pas anodins. Bien sûr, l'amateur du genre aura tôt fait de comprendre les rouages de cette histoire rédigée à quatre mains par Lamberto Bava, Gianfranco Barberi, Alessandro Parenzo et Dardano Sacchetti. L'ombre d'Edgar Allan Poe plane sur le film, vous comprendrez pourquoi après l'avoir visionné. Le final verse dans l'horreur graphique, et Mario Bava fait preuve de sa maestria visuelle dans cette dernière demi-heure qui verse dans la folie à l'image de sa protagoniste principale. Mission réussie pour Mario Bava donc, qui, avec Les Démons de la Nuit, semble vouloir proclamer à son public qu'il est toujours dans la course malgré l'émergence de nouveaux talents en Italie. Un dernier film qui est tout sauf mineur au sein de sa filmographie et dont il n'a pas à rougir, bien au contraire. Il vient clore de belle manière une carrière réellement exemplaire. A noter que Lucio Fulci a réalisé en cette même année 1977 L'Emmurée Vivante, pas si éloigné que ça du film de Bava...
* Disponible en combo DVD et BR chez Sidonis Calista
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