LE PIEGE DU DIABLE
(Dáblova past)
Réalisateur : Frantisek Vlácil
Année : 1962
Scénariste : Frantisek A. Dvorák, Milos Václav Kratochvíl
Pays : Tchécoslovaquie
Genre : Drame, folk horror
Interdiction : /
Avec : Vítezslav Vejrazka, Miroslav Machácek, Jaroslav Moucka, Karla Chadimová ...
L'HISTOIRE : Moravie, fin du XVIe siècle. Entre deux ravages des troupes suédoises et des périodes de sécheresse, le meunier Mlynár jouit d’une certaine popularité auprès des habitants de son pays. Il est serviable, et a, en outre, le don de trouver les sources. Le régent Valce, jaloux de la position du meunier, va faire courir des rumeurs sur ce dernier : il ne peut qu’être épaulé par le Diable. De plus, il va mandater un prêtre au service de la Sainte Inquisition, Kaplan Probus, afin de mener une enquête sur le meunier et sa famille...
MON AVIS : Réalisateur relativement méconnu dans notre pays, Frantisek Vlácil se voit être mis en avant par l'éditeur Artus Films, qui nous permet de découvrir l'œuvre de ce cinéaste Tchèque, avec notamment la sortie en DVD et BR de La Colombe Blanche (1960), La Vallée des Abeilles (1967), Marketa Lazarova (1967) et Le Piège du Diable qui date de 1962. C'est de ce dernier dont il va être question ici aujourd'hui. Bien que ne possédant pas réellement d'éléments de nature fantastique, et encore moins d'éléments horrifiques, j'ai intégré ce film dans la catégorie Folk Horror, même si ce sous-genre ne verra sa notoriété ne débuter qu'en 1968 avec Le Grand Inquisiteur. Toutefois, on peut relier Le Piège du Diable à ce courant puisque le film de Frantisek Vlácil met en avant les codes de cette catégorie, à savoir l'opposition entre paganisme et science et entre paganisme et religion chrétienne, puissance de la nature, incompréhension des personnes rationnelles sur certains événements qui les poussent à croire en l'intervention du Diable, accusation d'innocents qu'on pointent du doigt et qu'on dénoncent aux autorités religieuses sous couvert de sorcellerie et j'en passe. Ici, c'est un simple meunier qui se voit malmener par le régent de la région et par l'autorité religieuse, représentée par le prêtre Kaplan Probus. Sa seule faute est d'avoir un ancêtre qui a miraculeusement survécu avec sa famille à l'incendie de son moulin provoqué par des soldats suédois durant la guerre, un drame qui n'aurait du laisser que des cadavres calcinés. Il n'en fallait pas plus à cette époque pour que l'obscurantisme religieux et les croyances des villageois ne soient mis en exergue et que toute la descendance familiale ne soit accuser d'être maudite. Qui plus est, notre meunier actuel, passionné par les mystères de la nature, a acquis un savoir suite à ses observations, qui lui permet de dénicher des sources souterraines. Une aubaine en ce temps de sécheresse, l'eau devenant on ne peut plus rare. Ce don, appelons-le comme ça, lui vaut la sympathie de la population mais la jalousie du régent de la région, qui ne supporte pas de ne pas être le centre d'intérêt. Pour ce dernier, tout est limpide comme de l'eau claire : le meunier est aidé par le Diable lui-même ! Un prêtre au service de l'Inquisition sera dépêché sur place pour faire la lumière sur cette affaire. Si celui-ci semble être doté de raison et de connaissances, il ne mettra pas longtemps pour sombrer lui aussi dans le fanatisme religieux et à voir le Mal là où il n'est pas. Le Piège du Diable, film contemplatif on s'en doute, met donc en avant un trio de protagonistes qui vont s'affronter à coups de dogme antagoniste. Les accusations de sorcellerie auront des répercussions sur des personnages secondaires, comme le fils du meunier, dont la fiancée se met elle aussi à avoir quelques doutes sur son futur beau-père. Le spectateur a une longueur d'avance sur les personnages puisqu'on sait qu'il existe sous le moulin un réseau souterrain, des grottes alimentées en eau. Mais la bêtise humaine prendra la dessus sur la rationalité des faits. A grand coup de dialogues finement écrits, on assiste à des joutes verbales qui ciblent la dangerosité de la religion quand elle est pratiquée de manière fanatique. A ce titre, le dialogue dans lequel le fermier explique que l'eau sous ses terres ne gèlent jamais (le principe du hors-gel, tout simplement) est édifiant, puisque le régent et le prêtre en arrivent à la conclusion que l'Enfer est peut-être situé sous le moulin, ce qui expliquerai la chaleur de l'eau et le fait qu'elle ne gèle pas ! La connaissance du meunier sur l'ameublement de la terre dans la région ou la présence de cavité lui permet également d'avertir la population que la nouvelle grange n'a pas été construite là où il fallait et quand un drame arrive lors d'une fête donnée par le régent, c'est encore la connivence du meunier avec le Diable qu'on avance ! Bref, Le Piège du Diable possède donc bien la quasi majorité des éléments du Folk Horror. Qui plus est, on retiendra de ce film la beauté picturale de ses images, un réelle travail esthétique étant accompli par le réalisateur et son directeur-photo. Le noir et blanc est magnifique et sublime les plans et les cadres, réhaussés eux aussi par un jeu de contraste et de lumière. On note également un superbe travelling avant de la caméra vers le moulin qui n'a rien à envier au déplacement de la puissance démoniaque dans le futur Evil Dead de Sam Raimi en 1981 ! Poétique, esthétique, intéressant, Le Piège du Diable renvoie bien sûr à des cinéastes tels Ingmar Bergman entra autres, et à son célèbre Le Septième Sceau (1957). L'univers visuel de Frantisek Vlácil est donc à découvrir séance tenante pour qui aime le cinéma et les beaux films.
* Disponible en combo DVD + BR chez ARTUS FILMS
- Bonus : Présentation du film par Christian Lucas
- Diaporama d’affiches et de photos
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