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Bienvenue dans mon univers filmique ! Ma mission ? (Re)voir tous mes films, séries Tv, documentaires et concert, tous genres confondus, sur tous supports, Vhs, Dvd, Dvd-r, Blu-ray (avec aussi les diffusions télévisées ou cinéma), et vous donner mon avis de façon simple et pas prise de tête sur chaque titre (re)vu ! C'est parti !



AVERTISSEMENT : Certaines bandes-annonces ou extraits de films peuvent heurter la sensibilité du jeune public.




vendredi 29 novembre 2019

EXTRA SANGSUES

EXTRA SANGSUES - LA NUIT DES SANGSUES
(Night of the Creeps)

Réalisateur : Fred Dekker
Année : 1986
Scénariste : Fred Dekker
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Horreur
Interdiction : -12 ans
Avec : Jason Lively, Jill Whitlow, Tom Atkins, Steve Marshall, Allan Kayser...


L'HISTOIRE : Dans un vaisseau spatial, une petite créature extraterrestre, pourchassée par deux autres créatures de sa race, envoie dans l'espace un étrange container. Celui-ci s'écrase dans une petite ville, en 1959. L'entrée du container dans notre monde a été vue par un jeune couple d'amoureux, qui décide d'aller voir sur place. Johnny s'aventure seul dans la forêt et se fait contaminer par une espèce de sangsue qui était présente dans le container, pendant que sa dulcinée se fait occire à la hache par un fou échappé d'un asile. Plusieurs années après, deux paumés d'un campus universitaire, Chris et J.C., acceptent le défi des membres d'un club, afin d'en faire partie et de pouvoir en savoir plus sur Cynthia, jolie jeune fille dont Chris est tombé amoureux. Ils doivent pénétrer dans le laboratoire de l'Université et ramener un cadavre. Durant leur périple, ils découvrent un container réfrigéré dans lequel est entreposé le corps d'un homme, qui s'avère être Johnny. En ouvrant le container, nos deux adolescents réveillent le corps endormi de Johnny, qui va contaminer d'autres personnes en libérant des limaces mutantes. Celles-ci, en entrant dans le corps d'un humain, le transforment en sorte de zombie. L'épidémie commence et va prendre des proportions inattendues dans le campus…

MON AVIS : La carrière de Fred Dekker en tant que réalisateur n'aura durée que neuf années, avec seulement trois films et un épisode de la série Les Contes de la Crypte à son actif. Il réalise son premier film en 86 avec justement Extra Sangsues (ou La Nuit des Sangsues pour son exploitation vidéo en France), puis ce sera le très sympathique The Monster Squad l'année suivante. En 93, Dekker commettra l'improbable Robocop 3, le plus mauvais segment de la trilogie du flic d'acier. Depuis, quasiment plus rien, à part une petite participation en tant que scénariste en 2001 et 2002 sur la série télé Star Trek Enterprise et en 2018 pour The Predator de son ami d'enfance Shane Black. Je ne connais pas personnellement Fred Dekker, mai on peut penser que c'est un fan des films d'horreurs à la vision de son premier film, Extra Sangsues donc. Pourquoi ? Simple, il suffit de lire les noms des personnages principaux : Chris ROMERO, J.c. HOOPER, Détective Ray CAMERON, Cynthia CRONENBERG, Détective LANDIS, Sergent RAIMI, monsieur MINER et j'en passe. Ces noms vous disent bien quelque chose, rassurez-moi ? Autant affirmer de suite qu'il s'agit d'un petit hommage mûrement réfléchi de la part de Dekker aux réalisateurs cultes qui ont dû bercer ses visions de cinéphile. Extra Sangsues est un pur produit estampillé film de teenagers 80's. Campus universitaire, adolescents timides qui vont devenir les héros, macho sortant avec la belle de service qui préférera à la fin l'adolescent timide (et qui va donc devenir le héros, je vais pas le répéter à chaque fois hein…), quelques rapides plans "nichons", de l'humour, un flic un tantinet alcoolique, ne s'étant pas remis du drame qu'il a vécu jadis en découvrant son ex-fiancée découpée à la hache, des personnages stéréotypés, des fringues bien rétros, et des effets spéciaux lorgnant vers le gore plutôt réussis. Tous les ingrédients de la bonne comédie horrifique comme il en pleuvait en ce milieu 80's (Teen Wolf, Vampire, vous avez dit Vampire ? et consorts). Le film démarre plutôt bien et risque de vous surprendre. On se retrouve d'emblée dans un vaisseau spatial et on assiste à la fuite d'une petite créature assez amusante, prise en chasse par deux autres créatures similaires qui lui tirent dessus avec un fusil laser. La créature porte un container qui est apparemment le résultat d'expériences scientifiques et parvient à l'expédier hors du vaisseau. Une entrée en matière originale de part le look des créatures extraterrestres. On continuera à se laisser surprendre puisque les scènes suivantes sont filmées dans un très beau noir et blanc. Nous sommes en 1959 (encore un clin d'œil puisque c'est l'année de naissance du réalisateur) et on assiste au crash du container provenant de l'espace, que deux jeunes tourtereaux vont s'empresser d'aller chercher. Le réalisateur inclut alors une histoire de psychopathe à la hache échappé d'un asile tout en nous présentant l'intérieur du container : des limaces extraterrestres qui s'engouffrent dans la bouche du jeune homme. Brusque changement d'époque, l'image passe à la couleur et on est cette fois dans un campus universitaire. Les effets de surprise du début s'estompent pour laisser place à un  teenage movie sauce extraterrestres et zombies. Les trois acteurs principaux, dont la charmante Jill Whitlow qui nous offrira la vision de sa ravissante poitrine lors d'un changement de tenue pour une nuisette, correspondent parfaitement à ce style de film et semblent s'amuser tout autant que le spectateur. S'il y en a un qui semble aussi s'amuser comme un fou avec son personnage, c'est Tom Atkins et son visage bien connu des foules (Fog, New-York 1997, Halloween 3, Maniac Cop…). L'acteur interprète un flic dépressif, qui ne parvient pas à oublier le massacre de celle dont il était amoureux en 1959 par le taré armé d'une hache. L'apparition des sangsues venant causer bien des troubles dans sa ville va lui donner un regain d'énergie. Reste que le principal intérêt du film se situe bien sûr dans les apparitions des sangsues, qui ressemblent plus à des limaces mais bon. Une fois ces dernières ayant pénétrer dans la bouche de leurs victimes, les individus deviennent des espèces de zombies aux yeux livides, qui crachent des sangsues par la bouche en un jet ultra puissant et rapide, afin qu'elles se logent directement dans la gorge de la prochaine victime. Arrivées à maturation, les sangsues sortent du crâne des victimes et vont se répandre ailleurs, ce qui nous vaut de jolies explosions de têtes, plutôt bien réalisées et assez sanglantes. Si l'action est parfois un peu mollassonnes durant la première heure du film, elle reprend ses droits lors de la dernière demi-heure et rend Extra Sangsues assez jubilatoire, les contaminés devenant de plus en plus nombreux. On retiendra également un chat et un chien zombifiés, très rigolos. Grosse comédie adolescente avec des éléments horrifiques, Extra Sangsues plaira avant tout au public auquel il est destiné mais les plus vieux qui ont découvert le film quand ils étaient adolescents via la VHS apprécieront sûrement de le revoir, le film de Fred Dekker restant éminemment sympathique et ses effets spéciaux et ses maquillages tiennent encore bien la route. Je dirais même qu'il se bonifie avec le temps, je me rappelle que lors de ma précédente vision il y a plusieurs années, je n'avais pas été emballé plus que ça, le trouvant trop classique dans son approche, alors que j'ai vraiment apprécié de le revoir pour faire cette chronique. Un bon signe...

* Disponible en DVD et combo DVD+BR chez ELEPHANT FILMS
Image resplendissante sur le Blu-ray édité par Elephant Films, qui permet de voir le film de Fred Dekker dans les meilleures conditions possibles et en Director's Cut qui plus est ! VF ET VOSTF au programme, ainsi qu'une foule de bonus très sympa, dont la fin alternative, un making-of constitué de plusieurs modules et entretiens sur la conception du film, une analyse de Julien Comelli qui distille de nombreuses informations intéressantes, une galerie photo et des bandes annonces.



jeudi 28 novembre 2019

LA FERME DE LA TERREUR

LA FERME DE LA TERREUR
(Deadly Blessing)

Réalisateur : Wes Craven
Année : 1981
Scénariste : Glenn M. Benest, Matthew Barr, Wes Craven
Pays : Etats-Unis
Genre : Horreur
Interdiction : -12 ans
Avec : Maren Jensen, Sharon Stone, Susan Buckner, Ernest Borgnine, Colleen Riley...


L'HISTOIRE : Jim et sa femme Martha Schmidt vivent paisiblement de leur travail à la ferme. Cette dernière est située juste à côté des propriétés et des terres des Hitties, une communauté rurale aux préceptes religieux sévères, refusant la modernité, l'électricité et les innovations. Les Hitties sont dirigés par Isaiah Schmidt, le père de Jim, qui a renié et banni son fils. Lorsque Jim meurt écrasé par son tracteur dans sa ferme, Martha se retrouve seule et demande à deux de ses amies de venir la rejoindre pour la soutenir. De curieux événements se produisent alors et l'un des Hitties est retrouvé pendu. Pour Isaiah et les membres de sa communauté, le responsable est l'incube, un démon mâle qui prend corps pour abuser sexuellement des femmes endormies. Les tensions entre Martha, ses deux amies et les Hitties se veulent pas s'apaiser et d'autres incidents surviennent...

MON AVIS : Après avoir réalisé La Dernière Maison sur la Gauche (1972) et La Colline a des Yeux (1977), deux classiques du cinéma d'horreur, le réalisateur américain Wes Craven se tourne vers la télévision et met en scène L'été de la Peur, avec Linda Blair en 1978. Le succès de ce téléfilm est telle qu'une sortie cinéma est programmée, donnant le sourire aux producteurs qui demandent alors à Craven d’enchaîner avec un autre film de terreur : ce sera donc La Ferme de la Terreur, réalisé en 1981. Au menu des réjouissances : une sorte de communauté vivant en autarcie, les Hitties, qui peuvent être vus comme des Amish mais en encore plus extrême ; le sympathique Ernest Borgnine dans un rôle de prédicateur fou et qui se révèle réellement impressionnant et glaçant ; une toute jeune Sharon Stone, déjà ravissante pour sa quatrième apparition sur un écran, et qui va avoir bien des frayeurs ici, dont une scène de cauchemar à base d'araignée bien stressante ; la présence de Michael Berryman et son visage si particulier qu'on avait découvrir dans La Colline a des Yeux ; une tétanisante séquence de baignoire avec un serpent qui servira de matrice à celle des Griffes de la Nuit ; quelques meurtres assez inoffensifs niveau violence ; une musique bien angoissante, très connotée "sataniste" avec des chœurs inquiétants, façon La Malédiction de Jerry Goldsmith ; une utilisation de la caméra en vue subjective très efficace, qui renforce l'atmosphère et l'ambiance flippante du film ; une révélation sur une particularité du tueur qui devrait vous rappeler un slasher 80's dont je ne vous donnerai pas le titre pour ne pas dévoiler le pot-aux-roses ; une scène finale hallucinante, qui dénote totalement d'avec tout ce qui a précédé et dont on se demande encore l'intérêt de sa présence et j'en passe. Avec La Ferme de la Terreur, Wes Craven réalise un petit film d'horreur franchement bien troussé, qui possède une vraie ambiance et sait jouer sur le suspense avec intelligence, la mise en scène étant toute dévouée à provoquer quelques doux frissons chez le spectateur. En toile de fond, Wes Craven s'attaque aux fondamentalistes religieux, aux sectes dirigés par un gourou totalitaire. Celui du film, magistralement interprété par Ernest Borgnine comme dis plus haut, préfère que ses disciples se marient entre-eux plutôt que de laisser des étrangers intégrer sa communauté et n'hésite pas à renier ses propres enfants si ces derniers font un pas de côté et s'écartent de la voie religieuse qu'il a tracé pour eux. La scène de la punition par flagellation d'un jeune disciple participe pleinement à montrer la folie de l'intégrisme religieux, tout comme les discours prononcés par le gourou d'ailleurs. Craven met également en avant les conflits intérieurs qui régissent la vie des membres de la communauté, et principalement les membres masculins, tous frustrés sexuellement, qui n'hésitent pas à aller reluquer à la fenêtre de la voisine pour la voir s'ébattre dans les bras de son mari ou qui louchent sur les tenues sexy des trois actrices principales, à savoir Maren Jensen, Sharon Stone et Susan Buckner. Cet affrontement psychologique entre Hitties et personnes vivant hors de la communauté va donc devenir le terrain de jeu d'un mystérieux tueur, qui s'en prend autant aux uns qu'aux autres, ce qui ne manquera pas de questionner le spectateur. Avec moult détails, Wes Craven nous fait penser à des crimes rituels, avec possible utilisation de magie noire (les poules dans le cercueil par exemple). J'ai trouvé la révélation un peu faible et je n'ai pas bien saisi son intérêt, tout comme l'ultime séquence qui verse dans le fantastique total et surtout dans le grand n'importe quoi. Mais hormis ces deux points faibles, La Ferme de la Terreur reste un film assez réussi, qui réserve son lot de séquences étranges et angoissantes, développe son anti-cléricalisme sans équivoque, n'hésite pas à dénuder son actrice principale (Maren Jensen) et remplit le cahier des charges. Même si on lui préférera d'autres films de Wes Craven, il fait honneur au savoir-faire de son réalisateur en tout cas !

* Disponible en DVD et en combo DVD + BR chez ELEPHANT FILMS
L'image est des plus satisfaisantes sur cette édition, qui propose le film en VF et VOSTF DTS-HD Master Audio 2.0. Un achat parfait pour (re)découvrir La Ferme de la Terreur.
Niveau bonus, un entretien de 13 minutes avec Julien Comelli, blindé de spoilers mais c'est précisé au début de l'entretien et donc, à visionner après le film. On n'apprend pas grand chose si on est fan de la filmographie de Wes Craven mais ça reste très intéressant pour ceux qui ne connaissent pas le film. Une galerie de photos et des bandes-annonces viennent conclure la section bonus.




mardi 26 novembre 2019

L’INCINÉRATEUR DE CADAVRES

L’INCINÉRATEUR DE CADAVRES
(Spalovac Mrtvol)

Réalisateur : Juraj Herz
Année : 1968
Scénariste : Juraj Herz, Ladislav Fuks
Pays : Tchécoslovaquie
Genre : Drame
Interdiction : -12 ans
Avec : Rudolf Hrusínský, Vlasta Chramostová, Jana Stehnová, Milos Vognic...


L'HISTOIRE : Monsieur Kopfrkingl, homme brave et peu avare de sa personne, exerce son métier d’incinérateur avec un amour troublant. Et cherche à développer son commerce, qu'il considère comme un bienfait pour l'humanité. Il revoit par hasard un compagnon d'armes – et sympathisant nazi – qui lui suggère qu'il pourrait avoir du sang allemand dans les veines. Sa vision du monde commence alors à changer... assez radicalement !

MON AVIS : Que le cinéma peut être déroutant ! A tous ceux qui se plaignent des films Marvel et autres blockbusters stéréotypés (que je sais apprécier sans problème en tant que divertissement pour ma part), il faut savoir chercher ailleurs, et notamment dans le cinéma en provenance d'autres pays, car de bien belles surprises nous attendent le plus souvent. Récemment, la vision de La Clepsydre, film polonais de Wojciech Has (1973), m'a totalement envoûté par exemple, tant on est à des lieues des standards du cinéma américain. Pour qui voudrait poursuivre ce type d'expérience inhabituelle, je ne saurais que trop vous conseiller de vous plonger dans la vision de L'Incinérateur de Cadavres, film tchèque de 1968, réalisé par un certain Juraj Herz. Un film atypique, qui fût totalement interdit de diffusion quelques semaines après sa sortie en Tchécoslovaquie, des suites de l'invasion des Russes dans le pays, lors du fameux Printemps de Prague. Diffusé au festival de Sitges, L'incinérateur de Cadavres y reçut les prix du meilleur film, meilleure réalisation et meilleur rôle masculin. Le film est une adaptation remaniée d'un livre de Ladislav Fuks, que le réalisateur engagea d'ailleurs en tant que scénariste. Le travail de réécriture dura deux ans et le tournage débuta en 1968. Il est assez difficile de cataloguer L'Incinérateur de Cadavres, même après l'avoir vu  : son titre nous fait penser à un film d'horreur, ce qu'il n'est pas, du moins, pas en tant que tel. Horreur psychologique lui sied mieux évidemment mais le terme reste encore trop réducteur. Film dramatique, assurément qu'il l'est, puisque, de manière métaphorique, on y traite de la mise en place de la solution finale par les nazis, mais Juraj Herz étant fan de grotesque et d'humour, le film peut aussi être rangé dans la catégorie comédie, comédie d'humour noir évidemment, voir même classé dans les films totalement décalés, dans les ovnis cinématographiques. En fait, L'Incinérateur de Cadavres est tout ça à la fois, c'est un maelström de genres qui se télescopent pour aboutir à un film hors-norme qui ne ressemble à aucun autre, à l'image de La Clepsydre cité plus haut. Intrigant, déstabilisant, avec son rythme ultra lancinant, ses dialogues (et monologues) très nombreux, son personnage principal totalement azimuté interprété magistralement par Rudolf Hrusínský, ses quelques scènes de meurtres qui font froid dans le dos car, sans se montrer réellement démonstratives niveau violence, elles sont d'une puissance psychologique imparable, son sujet même, à savoir comment un être doux et profondément humaniste va sombrer dans la folie, dans l'arrivisme et le carriérisme une fois qu'il rallie le parti nazi au point de devenir l'un des éléments capitaux de la mise en place de la solution finale de par le professionnalisme exprimé dans sa profession (crémateur, notez l'humour noir provocateur), L'Incinérateur de Cadavres marque constamment des points aux yeux du cinéphile, qui sera également impressionné par la beauté du noir et blanc, qu'on doit à Stanislav Milota, directeur de la photographie sans qui le film de Juraj Herz ne serait pas ce qu'il est. Bien sûr, la prestation de Rudolf Hrusínský dans le rôle de Monsieur Kopfrkingl, est à mettre au diapason de la réussite du film. Adepte de la philosophie bouddhiste, ce crémateur de talent voit dans son métier la plus noble tâche à accomplir pour les vivants : celle de les libérer des souffrances terrestres et de permettre à leurs âmes de s'envoler vers des cieux plus joyeux et de pouvoir se réincarner dans la foulée, tout cela grâce au procédé de la crémation. L'expression Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière prend ici tout son sens biblique à travers les actions de ce curieux héros, qui n'est au début du film que bonté envers l'humanité (bien que possédant tout de même une face cachée, puisqu'il trompe allègrement sa femme dans un bordel). Toutes ses actions au sein du crématorium ne tendent qu'à la gentillesse, la compassion envers les défunts. Attentionné, au petit soin, maniaque de chaque détail, c'est un quasi-rituel qu'il accomplit à chaque crémation afin de permettre à la dépouille de s'envoler vers l'ether (mais pas l'âme), dans les 75 minutes que durent la combustion du corps dans son four. Comment un être aussi serviable et gentil, un monsieur-tout-le-monde somme toute ordinaire, va-t-il sombrer dans le meurtre, la délation et la folie ? C'est ce processus intérieur qui va nous être dévoilé à travers l'histoire de Monsieur Kopfrkingl, et à travers elle, le réalisateur va mettre en lumière tous les aspects repoussants du nazisme, à savoir la pureté de la race, la thèse de la différence des sangs, la haine des juifs et la préparation de la Shoah, parfois de manière allégorique, quasi poétique, et parfois de manière abrupte et directe. Le changement de comportement et de l'état d'esprit de Monsieur Kopfrkingl se fait de manière progressive, lentement, insidieusement, tel un lavage de cerveau propagandiste, opéré par un de ses anciens amis, devenu membre du parti nazi, et qui va le pousser à devenir un monstre-humain capable du pire. Outre cette thématique de la mort, avec tous ces petits détails qu'on ne remarque pas forcément à la première vision (comme ces gentils coups de peigne donnés par Monsieur Kopfrkingl à différents personnages et qui sont, en fait, annonciateurs d'une tragédie qui les concernera dans le futur par exemple), ce qui frappe dans L'Incinérateur de Cadavres, c'est sa mise en scène, et notamment ses nombreuses séquences dans lesquelles notre curieux héros démarre un dialogue ou monologue dans un décor et le termine dans un autre, sans qu'on ne voit de transition ou de coupe à l'écran. C'est franchement ahurissant et d'une efficacité visuelle qui confine à l'oeuvre d'art. On notera aussi l'utilisation d'un effet de caméra façon "eye-fish" qui déforme la réalité et qui permet à certaines séquences de se montrer encore plus percutante. Clairement malaisant, pas toujours facile d'accès, il est certain que L'Incinérateur de Cadavres n'est pas à la portée du premier venu et que sa vision et sa compréhension, tout comme son humour noir, demandent un véritable effort au spectateur, tant le film est éloigné du tout-venant cinématographique. C'est en tout cas une expérience troublante, qui décortique de façon originale la montée d'un extrémisme glaçant, et qui ne laissera personne indifférent, ses images marquants durablement les esprits. N'est-ce pas là l'apanage des grands films ?

* La restauration 4K à partir du négatif original et de l’interpositif conservés aux Archives cinématographiques nationales de Prague a été menée par le Festival International de Karlovy Vary en collaboration avec Les Archives nationales de Prague et le Czech Film Fund. La version sous-titrée français et le DCP 4K ont été réalisés par Titra Film pour Malavida. Le film a été distribué par l'éditeur Malavida Films, pour sa diffusion au Festival Lumière 2019 puis en salles (ressortie le 20 novembre). Espérons qu'une édition Blu-Ray vienne accompagner cette restauration pour permettre au plus grand nombre de découvrir ce film rare et injustement méconnu.


vendredi 22 novembre 2019

LA VALLÉE DE LA MORT

LA VALLÉE DE LA MORT
(Death Valley)

Réalisateur : Dick Richards
Année : 1982
Scénariste : Richard Rothstein
Pays : Etats-Unis
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Peter Billingsley, Paul Le Mat, Catherine Hicks, Stephen McHattie, Wilford Brimley...


L'HISTOIRE : Suite au divorce de ses parents, Billy, un petit garçon d'une dizaine d'années, doit partir avec Sally, sa mère, pour l'Arizona, cette dernière voulant lui présenter son nouveau compagnon, Mike. Comprenant la difficulté de la situation, Mike tente de faire ami-ami avec Billy et lui propose d'aller visiter la vallée de la mort, ainsi qu'un parc à thème situé alentour. Durant le trajet, Billy s'aperçoit qu'une voiture à l'allure menaçante le suit. Peu de temps après,  en se promenant dans un ancienne carrière d'extraction d'or, Billy pénètre dans un camping-car qui semble abandonné et prend un pendentif qui traîne sur la table. Le lendemain, leur voiture est stoppée par la police locale, car un camping-car contenant trois cadavres vient d'être découvert. Billy montre le pendentif au shérif, qui semble connaître l'objet. Il se rend au domicile des frères Peterson pour leur montrer le pendentif. Pour Billy, Sally et Mike, c'est le début du cauchemar...

MON AVIS : Titre-phare des années vidéoclubs, de par sa célèbre jaquette, La Vallée de la Mort n'était disponible en France qu'en VHS. Cette rareté est désormais disponible en DVD et Blu-ray grâce à l'éditeur Elephant Films. Le film tient-il néanmoins les promesses de son inquiétant visuel ? Ma réponse sera malheureusement non. Réalisé en 1982 par Dick Richards, La Vallée de la Mort débute plutôt mal : un père joue avec son fils Billy, l'emmène au musée et se lance dans une grande explication sur le pourquoi de sa rupture avec son ex-femme, afin de faire comprendre à son fils les raisons de leur divorce. Un début de film qui fait assez peur car on verse dans le mélodrame larmoyant, avec une ambiance visuelle qui fait très téléfilm et qui ne laisse pas augurer du meilleur pour la suite. Une fois Billy débarqué en Arizona avec sa mère, le film relève un peu la tête, avec de superbe paysage au programme et une scène de meurtre dans un camping-car plutôt réussie, avec un égorgement au couteau et une jolie paire de seins dénudés, le tout sur une musique inquiétante et efficace. On se dit alors que le rythme est lancé, que l'ambiance désertique du décor naturel fait très La Colline à des Yeux de Wes Craven, que l'aspect menaçant de la voiture qui semble poursuivre celle dans laquelle Billy a pris place ne dénoterai pas dans Enfer Mécanique et qu'on va assister à un divertissement plaisant, à une traque entre un jeune enfant et un tueur fou, façon slasher / survival. Raté. Déjà, l'identité et les motivations du tueur nous sont rapidement dévoilées, ce qui annihile toute tentative de suspense. La traque de Billy n'est guère enivrante, ni même passionnante, se révélant d'un classicisme total et sans surprise aucune. Le réalisateur tente de jouer avec des effets de caméra subjective pour créer une certaine tension, comme pour la séquence dans le magasin du parc à thème, mais on ne peut pas vraiment dire qu'on ressent un quelconque stress pour le jeune garçon. D'autres séquences vont vite s'avérer assez ridicules, comme celle mettant en scène une baby-sitter boulimique dont on n'a qu'une hâte, c'est qu'elle se fasse égorger à son tour ! La séquence de fusillade dans la maison ne parvient jamais à se montrer stressante et l'attitude de Mike est même d'une indigence rare comme vous le découvrirez. Pourtant, les acteurs sont assez bons : Peter Billingsley interprète le jeune Billy avec entrain et crédibilité, Catherine Hicks (future maman du jeune Andy à qui elle achètera une poupée du nom de Chucky en 1988 dans Jeu d'Enfant) s'en sort plutôt bien en mère divorcée et Paul Le Mat assure ce qu'il faut en futur beau-père tentant tout son possible pour nouer une relation amicale avec Billy. En fait, quand Dick Richards filme ses acteurs dans des situations de la vie normale, ça passe assez bien (sauf qu'on est pas venu voir un drame familial) mais dès qu'il veut faire illusion dans le suspense ou mettre en avant son tueur, c'est bien souvent la débâcle. Ce dernier, correctement interprété par Stephen McHattie, est tout de même bien mou du genou et on aurait aimé que ce personnage soit plus développé par le scénario. Un scénario souvent prévisible (le twist final qui n'en est pas un) et plutôt mollasson, qui tente de jouer dans divers registres sans jamais en tirer réellement partie. La mise en scène est plate, sans génie aucun, la violence est vraiment sporadique et l'aspect film d'horreur promis par la jaquette n'est clairement pas au rendez-vous. Jouant plus dans le registre du thriller, sans vraiment s'y adonner à fond non plus, La Vallée de la Mort ne provoquera guère de remous chez les amateurs du genre, qui ne trouveront pas grand chose comme éléments à même de les satisfaire. L'originalité pourrait venir du fait que le réalisateur se focalise essentiellement sur le véritable héros du film, à savoir le jeune Billy, à qui il arrive bien des misères. Mais honnêtement, les situations proposées traînent en longueur et provoquent au final un ennui poli. Et ce n'est pas le final, des plus abruptes, qui viendra relever le niveau. En clair, grosse déception pour La Vallée de la Mort, je m'attendais à nettement mieux. Je devais avoir une intuition car je possède la VHS française depuis belle lurette mais je ne l'avais toujours pas vu. Un signe.

* Disponible en combo DVD + BR chez ELEPHANT FILMS



jeudi 21 novembre 2019

LE BEAU-PÈRE

LE BEAU-PÈRE
(The Stepfather)

Réalisateur : Joseph Ruben
Année : 1987
Scénariste : Donald E. Westlake
Pays : Etats-Unis, Angleterre, Canada
Genre : Thriller
Interdiction : -12 ans
Avec : Terry O'Quinn, Jill Schoelen, Shelley Hack, Charles Lanyer, Stephen Shellen...


L'HISTOIRE : Jerry Blake est un homme en apparence tout à fait normal, courtois, sympathique et qui a une véritable obsession en ce qui concerne les liens familiaux; Pour lui, avoir une famille heureuse et soudée représente tout ce qui compte dans la vie. A tel point que lorsqu'un grain de sable vient enrayer sa vision de la vie de famille, il massacre femme et enfants et s'en va retrouver une nouvelle famille. Son dévolu se jette sur Susan Maine, qui vit seule avec sa fille Stéphanie, suite au décès de son mari. Si tout se passe bien entre Jerry et Susan, la jeune Stéphanie n'apprécie pas beaucoup son beau-père, ce qui va créer quelques tensions...

MON AVIS : Après avoir réalisé Dreamscape en 1984, Joseph Ruben change de voie et passe du film fantastique au thriller violent avec Le Beau-Père, très bon film mettant en scène un tueur psychotique qui change de famille comme de chemise, en ne manquant pas d'assassiner femme et enfants sans la moindre émotion. Tout ça parce que notre serial-killer a eu une enfance difficile, dont on ne saura pas grand chose d'ailleurs, ce qui est dommage, et que pour lui, la vie de famille est la chose la plus importante au monde. Ultra méticuleux, il veut tout gérer, être un père parfait, avoir une femme aimante et des enfants obéissants. Pour se recaser après ses sordides méfaits, il change d'apparence (un coup barbu, un coup rasé de près, utilise des postiches et autres accessoires comme des lunettes...) et séduit des femmes célibataires, divorcées ou veuves, afin de recomposer avec elles une cellule familiale qui correspond à ses critères. Et quand il y a un couac dans sa vision de la famille, c'est le pétage de plomb et le massacre assuré. Pour interpréter ce type fort sympathique, sorte de Ted Bundy à qui on donnerait le bon Dieu sans hésitation, c'est l'acteur Terry O'Quinn qui s'y colle et il se révèle fort à son aise ici, jouant les charmeurs avec élégance et raffinement, et se laissant aller à des accès de colère très violents qui font froid dans le dos, notamment quand il se questionne lui-même pour savoir "qui suis-je ?", sa folie ne parvenant plus à le faire distinguer quel personnage il joue à l'instant T, étant donné qu'il endosse une nouvelle identité à chaque changement de famille ! Ce qui a de quoi le perturber encore plus le pauvre homme ! La scène du pétage de câble dans le garage est efficace et ses monologues nous font bien prendre conscience du degré élevé de folie du personnage. On le savait déjà vous me direz, puisque la séquence introductive nous plonge directement dans cette folie meurtrière qui rythme sa vie. L'intérêt du spectateur est donc de voir comment il va vivre avec sa nouvelle famille et quel sera le grain de sable qui va tout faire basculer. En l’occurrence, ce sera la jeune Stéphanie, 16 ans, jouée par l'actrice Jill Schoelen, qui avait en fait 24 ans à l'époque, ce qui explique qu'on la verra entièrement nue dans le film, à l'occasion d'une petite scène de couche bien agréable pour les yeux. Enfant rebelle, n'ayant pas réussi à faire le deuil de son véritable père, Stéphanie ne supporte pas son nouveau beau-père et ne lui facilite pas la tâche, surtout quand elle se fait renvoyer du lycée ! On se dit que la colère de Jerry va exploser suite à cet incident mais il parvient à maîtriser ses nerfs, du moins en apparence. Peu à peu, la jeune fille, qui a assisté à la crise de nerfs dans le garage, va commencer à soupçonner ce curieux beau-père d'une psycho-rigidité totale. Coïncidence scénaristique, le frère d'une des victimes du tueur en série poursuit ses recherches et refait publier un article sur le drame récent, et l'article tombe entre les mains de Stéphanie qui fait de suite le rapprochement. On se dit que c'est cuit pour Jerry Blake mais non, il est bien trop malin pour se laisser prendre comme ça. Le suspense orchestré par Joseph Ruben est franchement solide et le réalisateur parvient à mettre en scènes des situations anodines qui font néanmoins monter une certaine tension, grâce à des jeux de regards, des dialogues, des allusions ou des comportements adéquats. La violence est bien présente dans le film également, avec un meurtre assez brutal à coup de planche de bois et surtout, un coup au visage asséné à l'aide d'un téléphone qui est assez hallucinant, le montage extrêmement précis de cette scène nous faisant vraiment croire que le combiné a réellement percuté le visage de l'actrice. Une scène toujours aussi réussie et impressionnante. Le final versera un peu plus dans l'horreur visuelle sanguinolente et viendra clôturer le film, qui aura pourtant une suite en 1989, toujours avec Terry O'Quinn. Un troisième volet a également vu le jour, avec un autre acteur cette fois, ainsi qu'un remake. Le Beau-Père version 1987 reste, encore de nos jours, un film assez efficace, et même si on aurait aimé en savoir plus sur l'enfance de Jerry Blake, c'est un thriller qui tient la route et qui est très plaisant à revoir. 

* Disponible en combo DVD + BR chez ELEPHANT FILMS



mercredi 20 novembre 2019

ROSEMARY'S BABY

ROSEMARY'S BABY
(Rosemary's Baby)

Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1968
Scénariste : Roman Polanski
Pays : Etats-Unis
Genre : Drame, Fantastique, Epouvante
Interdiction : /
Avec : Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon, Sidney Blackmer, Maurice Evans...


L'HISTOIRE : Malgré les conseils de leur vieil ami Hutch, Guy Woodhouse et sa jeune femme Rosemary s'installent dans un immeuble new-yorkais à la sordide réputation. Aussitôt, leurs voisins, Minnie et Roman Castevet, vieux couple d'Europe centrale, imposent leur amitié et leurs services. Si Guy accepte facilement ce voisinage, Rosemary s'en inquiète. Quand la jeune épouse tombe enceinte, l'intrusion du voisinage dans la vie des Woodhouse se fait de plus en plus pesante, surtout pour Rosemary...

MON AVIS : Malgré l'échec relatif du Bal des Vampires en 1967, Roman Polanski se voit courtiser par les studios de cinéma américain et notamment par la Paramount et son vice-directeur, Robert Evans, qui désire produire le prochain film du réalisateur polonais. Evans propose à Polanski de réaliser un film sur le ski, Downhill Racers, tout en lui suggérant de lire un roman d'Ira Levin, Rosemary's Baby, qui vient de sortir. Roman Polanski tombe sous le charme du livre de Levin et décide de l'adapter. Il en signe d'ailleurs lui-même l'adaptation scénaristique, sans l'aide de son ami Gérard Brach cette fois. A l'arrivée, Rosemary's Baby qui sort en 1968, fait un tabac dans le monde entier et devient une véritable référence dans l'Histoire du cinéma. Avec une maestria totale, Polanski réalise en effet un film d'ambiance absolument magistral, refusant toute démonstration visuelle, lui préférant une suggestivité de tous les instants, laissant aux spectateurs se faire sa propre idée tout au long du film sur les événements que va vivre Rosemary (menace réelle ? dépression mentale du personnage suite à sa grossesse ?) jusqu'au puissant final qui fait basculer le film dans le fantastique le plus pur. Pour interpréter Rosemary, c'est l'actrice Mia Farrow qui est  finalement choisie, écartant la concurrence composée de Julie Christie, Jane Fonda, Elizabeth Hartman, Joanna Pettet, Tuesday Weld et même Sharon Tate (premier choix de Polanski bien sûr, la belle actrice apparaîtra néanmoins lors de la scène de la fête dans l'appartement de Rosemary). Une chose est certaine : Mia Farrow est absolument époustouflante dans le rôle et on a bien du mal à imaginer une autre actrice après avoir vu sa prestation dans le film. Elle incarne la fragilité, la douceur, la tendresse avec un brio certain et se montre tout aussi à l'aise quand il s'agit de jouer la méfiance, l'angoisse, la peur. Le célèbre réalisateur John Cassavetes joue quant à lui le mari de Rosemary, au comportement tout d'abord normal puis de plus en plus trouble. Ruth Gordon, 72 ans à l'époque du tournage, interprète l'inquiétante Minnie Castevet et ce rôle lui valut de remporter l'Oscar et le Golden Globe de la Meilleure actrice dans un second rôle et c'est amplement mérité, tant la comédienne y brille de mille feux et participe pleinement à créer une ambiance sourde, insidieuse, qui enveloppe le spectateur petit à petit dans cette atmosphère pesante et malaisante, faite de non-dits, de paranoïa, de délire complotiste pour aboutir à un véritable sentiment de terreur anxiogène qui culminera lors d'un final paroxystique. Tous les autres acteurs sont prodigieux dans leurs rôles respectifs, je ne vais pas tous les énumérer ici mais personne n'est en dessous d'un autre, chacun est à sa place et donne le meilleur de lui-même. Comme depuis ses débuts et comme il nous l'a prouvé dans ses quatre premiers longs-métrages, Polanski manipule la caméra, la composition des plans, avec une virtuosité indécente et c'est encore plus flagrant dans Rosemary's Baby, quintessence de la mise en scène épurée mais pourtant diablement efficace, c'est peu de le dire. Polanski replace son action dans un appartement, comme il l'a fait dans Répulsion et le fera avec Le Locataire, et place sa frêle héroïne à l'intérieur, cette dernière allant se retrouver au sein d'une manipulation plurielle dont on pourra douter de la véracité jusqu'à la formidable séquence du Scrabble et de l'anagramme, point de départ du retournement de situation pour Rosemary et bifurcation du film vers un fantastique ésotérique admirable, un fantastique esthétique et raffiné, qui va, suite au succès du film, engendrer, telle la grossesse de Rosemary, de nouveaux monstres bien plus réalistes que les vampires et autres loups-garous dans les années à venir, à débuter par la figure du mort vivant qui verra ses clichés pulvérisés en cette même année 1968 par un certain George Romero et son célèbre La nuit des Morts Vivants. Visuellement sublime, Rosemary's Baby est véritablement un joyau d'orfèvre, qui permet à Polanski de mettre en avant ses obsessions, comme l'enfermement, la découverte de la véritable nature des gens, la paranoïa, tout en dressant un superbe portrait de femme confrontée à un mal insidieux, présent autour d'elle mais également en elle. Assurément la grossesse la plus diabolique de l'Histoire du cinéma, magnifiée par la musique du compositeur Krzysztof Komeda et son inquiétante comptine vocale, qui bénéficie de la voix de Mia Farrow.Rien à dire de plus à part que Rosemary's Baby est un chef-d'oeuvre dont tous les éléments qui le composent sont au diapason. Pour l'anecdote, certaines scènes du film ont été tournées devant le Dakota Building, immeuble dans lequel John Lennon s'est fait assassiner en 1980. Il est situé en face de Central Park.


   

mardi 19 novembre 2019

LE BAL DES VAMPIRES

LE BAL DES VAMPIRES
(Dance of the Vampires / The Fearless Vampire Killers)

Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1967
Scénariste : Roman Polanski, Gérard Brach
Pays : Angleterre
Genre : Comédie, Fantastique
Interdiction : -12 ans
Avec : Jack MacGowran, Roman Polanski, Alfie Bass, Sharon Tate, Ferdy Mayne...


L'HISTOIRE : Persuadé que les vampires existent, le professeur Abronsius consacre tout son temps à la traque de cette espèce effrayante. Accompagné par son fidèle assistant, le jeune Alfred, ce scientifique farfelu parcourt la Transylvanie et finit par arriver dans un petit village qui semble être un nid de vampires. Dans la taverne, des gousses d'ail ornent les murs. Les habitants n'osent répondre à ses questions et semblent terrifiés par une étrange présence. Bientôt, la fille de l'aubergiste, Sarah, est enlevée par un vampire. Abronsius et Alfred, transi d'amour devant la belle jeune fille, partent à sa recherche. Elle est retenue au château du comte von Krolock. Mais leur étonnement est à son comble lorsqu'ils sont reçus avec amabilité dans la luxueuse demeure. Là, les vampires préparent leur bal annuel. Les deux compères ne sont pas au bout de leurs surprises...

MON AVIS : Après trois films en noir et blanc jouant dans la cour du huis-clos psychologique (Le Couteau dans l'Eau, Répulsion, Cul-de-Sac), Roman Polanski change radicalement de style avec son quatrième long-métrage, à savoir la célèbre comédie fantastique Le Bal des Vampires ! Déjà, le film est en couleur, ce qui est un changement notable dans sa filmographie. Deuxièmement, ce n'est en rien un huis-clos avec trois ou quatre protagonistes seulement au casting mais bel et bien un film avec une multitude d'acteurs, de seconds rôles et de figurants,  comme si, avant de se lancer dans un projet de cette envergure, Polanski avait déjà voulu se faire la main sur des films plus intimistes, plus minimalistes, histoire de voir s'il s'en sortait ou pas au niveau de la mise en scène ou direction d'acteurs. Les prix récoltés par ses trois premiers films ainsi que les avis majoritairement élogieux de la part des critiques et l’accueil favorable du public les concernant lui ont donc donné des ailes, de l'assurance et c'est à nouveau en compagnie de son ami scénariste Gérard Brach qu'il s'envole dans les contrées de la Transylvanie pour y suivre son duo de chasseurs de vampires atypiques qui nous fera bien rire. Pour interpréter le vieux professeur Abronsius, sorte de dérivé du professeur Tournesol, c'est l'acteur Jack MacGowran qui s'y colle, après avoir joué le bandit Albie dans Cul-de-Sac l'année précédente. Avec ses cheveux blancs, ses petites lunettes, sa moustache et sa gestuelle décalée, Abronsius est un personnage des plus sympathiques, dont les répliques font mouches et qui nous fait bien sourire lorsqu'il se retrouve dans des situations souvent loufoques. Il est accompagné du jeune Alfred, garçon couard et un peu benêt, interprété par Roman Polanski lui-même ! Un choix judicieux puisque le réalisateur n'est âgé que de 34 ans et qu'il assume totalement le côté simplet du personnage, n'hésitant pas à faire des mimiques et à prendre des attitudes de peureux qui lui vont parfaitement bien. A ce savoureux duo vient se joindre d'autres comédiens, tous parfaits dans leurs rôles respectifs : Ferdy Mayne joue le comte Von Krolock, Alfie Bass joue le tavernier coureur de jupons, Iain Quarrier joue le fils du comte Krolock et ses attitudes laissent clairement penser qu'il est gay, ce qui nous vaudra une séquence avec le pauvre Alfred à mourir de rire, Terry Downes joue le serviteur bossu du comte et la ravissante Sharon Tate (qui deviendra la femme de Polanski et connaîtra une triste fin deux ans plus tard, assassinée en 1969 alors qu'elle est enceinte par la famille Manson, l'actrice n'étant pas visée spécialement mais se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment) joue Sarah, la fille du tavernier qui va se faire kidnapper par le comte vampire. Tout ce petit monde va donc s'évertuer à nous divertir dans cette comédie vampirique qui joue et détourne admirablement bien les clichés du genre. Villageois apeurés, femmes séduisantes pour qui la caméra ne se prive pas de filmer les jolis décolletés, traces de morsures, serviteur bossu, paysage enneigé, château, toiles d'araignées, cercueil servant de lits aux vampires, croix, pieux, gousses d'ail, miroirs ne réfléchissant pas les diaboliques créatures de la nuit et ambiance gothique se conjuguent à merveille, le tout sur le ton de l'humour donc, Polanski ne cherchant jamais à créer une atmosphère inquiétante ou ténébreuse mais bel et bien à jouer avec les codes du film de vampires, popularisé dans les années 60 par la prestigieuse firme anglaise, la Hammer Films bien sûr. Un humour classieux, velouté, raffiné, très british en fait, bien éloigné de l'humour des comédies franchouillardes françaises. La mise en scène, comme toujours chez Polanski, est maîtrisée, inventive et à toujours quelque chose à proposer. Les décors et les costumes participent pleinement au côté charmant du film, qui est emprunt d'une certaine naïveté qui lui sied parfaitement, et lui permet d'être toujours aussi agréable à regarder, même à notre époque. Le thème sonore principal (et la musique en générale), composé par Krzysztof Komeda, est également à mettre en avant car il est très réussi et s'avère plus macabre que le film lui-même. Certains effets-spéciaux, comme les personnages jouant devant un écran diffusant une image, ont bien sûr pris un coup dans l'aile et l’œil avisé du cinéphile ne peut que les repérer. Mais ce n'est franchement pas bien grave, tant Le Bal des Vampires regorge d'autres qualités. Ne venez donc pas chercher la peur ou quelques doux frissons ici, vous ne trouverez rien de tout ça et si tel est votre but, passez votre chemin car le film ne répondra pas du tout à votre attente. Pour ceux qui veulent passer un bon moment de détente avec un duo savoureux, admirer la sublime Sharon Tate et prendre part au bal annuel des vampires, n'hésitez pas par contre, Le Bal des Vampires aura tout pour vous plaire, et notamment une fin qui a du... mordant !


lundi 18 novembre 2019

CUL-DE-SAC

CUL-DE-SAC
(Cul-de-Sac)

Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1966
Scénariste : Roman Polanski, Gérard Brach
Pays : Angleterre
Genre : Comédie, Drame
Interdiction : /
Avec : Donald Pleasence, Françoise Dorléac, Lionel Stander, Jack MacGowran...


L'HISTOIRE : Deux braqueurs en fuite, Richard et Albie, tous deux blessés, tentent de trouver un échappatoire en attendant que leur patron ne leur vienne en aide. Ils se réfugient dans une grande demeure ancienne appartenant à George et Teresa, un couple déjà sous tension après seulement dix mois de mariage. L'intrusion des braqueurs va troubler encore plus la vie du couple...

MON AVIS : Après Le Couteau dans l'Eau réalisé en 1962, Roman Polanski désire mettre en scène Cul-de Sac mais le sujet ne plait pas vraiment aux producteurs et le réalisateur polonais ne parvient pas à financer ce projet. Pour patienter, il met en scène en 1965, avec l'aide du scénariste Gérard Brach avec qui il se lie d'amitié, le film Répulsion, qui obtiendra l'Ours d'Argent au festival de Berlin. Fort de ce prix, les producteurs changent leur fusil d'épaule et accepte de financer ce qui deviendra Cul-de-Sac, toujours avec Gérard Brach au scénario. Exit Catherine Deneuve, star de Répulsion, et place à sa sœur aînée Françoise Dorléac ! Cette dernière va interpréter Teresa, une jeune femme séduisante de 23 ans qui est mariée à un homme qui a le double de son âge, George, joué quant à lui par le talentueux Donald Pleasence  qu'on ne présente plus. Le couple vit dans une demeure très ancienne, située sur une île abandonnée (Holy Island, en Angleterre) et bercée par la fluctuation des marées. On découvrira en peu de temps que des tensions existent déjà au sein de ce jeune couple (dix mois de mariage seulement), que la solitude a tôt fait de mettre en danger sûrement, avec un rapport de force qui ne correspond apparemment pas à celui souhaité. Au fur et à mesure de l'avancée du film, on s'aperçoit que Teresa reproche continuellement à son mari son manque d'assurance, son manque de prise d'initiative, son manque de témérité. Et le pauvre homme nous en fera l'amère démonstration quand Richard, surnommé Dickie, un braqueur blessé, va faire irruption au sein du couple. Il faut dire que George n'est pas aidé car lors de sa première rencontre avec Richard, il est affublé d'une chemise de nuit féminine, de rouge à lèvres et de fard à paupière, suite à une envie curieuse de Teresa, qui trouve ce déguisement très drôle et qui, en fait, veut déjà dire beaucoup sur la couardise de son mari. Contrairement à ses deux premiers films, qui reposaient sur une ambiance moite, dérangeante, Roman Polanski, avec Cul-de-Sac, ne reproduit pas le même schéma et verse beaucoup plus dans l'humour noir à travers ce type de situations, qui font certes sourires mais dont on devine l'aspect plus sombre et dramatique derrière cette façade humoristique. Rien que la séquence où le second braqueur, mortellement blessé, attend dans sa voiture alors que la marée ne cesse de monter, fait preuve de cet humour noir qui traversera tout le film jusqu'au drame final. Rapidement, le film devient à nouveau un huis-clos avec des rapports dissonants entre trois personnages principaux, George, Teresa et Richard. Mais point de tension ou de stress dans cette cohabitation non désirée ici, Teresa et George ne cherchant jamais à s'enfuir ou à provoquer la colère du bandit, comme si la présence de cet inconnu leur permettait de pimenter leur vie monotone. Question piment, Teresa n'est pas une débutante puisque Richard la surprend à moitié nue dans les bras d'un bellâtre sur la plage avant de s'incruster dans l'ancienne demeure. La jeune femme semble vouloir prendre du bon temps, quitte à ce que ce soit avec d'autres hommes que son mari. Cette nymphomane qui se cache derrière les apparences réitérera d'ailleurs son petit jeu de séduction avec Richard mais ce dernier restera totalement insensible à ses charmes. On le voit, depuis ses débuts, Polanski aime les personnages ambigus, qui ne sont ni noir, ni blanc, ni ange, ni démon mais un peu des deux. Cul-de-Sac nous en offre donc trois, qui sont justement tous désabusés, tous dans un cul-de-sac, que ce soit sentimentalement pour George et Teresa ou physiquement pour Richard, qui attend l'aide de son patron, monsieur Katelbach, pour le sortir de là, aide qui ne semble pas vouloir arriver, peut-être à cause de la marée qui bloque toutes les routes menant à la maison. A l'origine, le projet s'appelait d'ailleurs Si Katelbach arrive ! Si le tournage du film a été assez chaotique, avec les caprices de l'acteur Lionel Stander, l'arrivée de Pleasence le crâne rasé sans le dire avant au réalisateur, la noyade évitée de justesse de Françoise Dorléac ou les conditions météorologiques compliquées, Roman Polanski signe toutefois un troisième film très réussi, à la mise en scène qui fait toujours des merveilles, aux plans travaillés (le réalisateur passera toute une journée à préparer une scène dans laquelle un avion est censé passer dans le champ de la caméra à un instant T) et au casting sans fausse note. Au final, Cul-de-Sac nous présente un ménage à trois déroutant, sardonique, parfois tordu ou loufoque, pourvu d'une certaine théâtralité, bénéficiant également d'une belle inventivité. La vision du film m'a fait pensez à celle du récent Laissez Bronzer les Cadavres, dans lequel j'ai retrouvé la bizarrerie des situations proposées par Polanski. Ce petit jeu de pouvoir entre les trois héros du film est en tout cas bien plaisant et lui a profité puisque Cul-de-Sac a remporté l'Ours d'Or au festival de Berlin 1966 !



dimanche 17 novembre 2019

LE COUTEAU DANS L'EAU

LE COUTEAU DANS L'EAU
(Nóz w wodzie)

Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1962
Scénariste : Roman Polanski, Jakub Goldberg, Jerzy Skolimowski
Pays : Pologne
Genre : Drame
Interdiction : /
Avec : Leon Niemczyk, Jolanta Umecka, Zygmunt Malanowicz


L'HISTOIRE : Andrzej et Krystyna, couple au bord de la rupture, décident tout de même de partir en week-end à bord d'un voilier. Sur la route, ils prennent en stop un jeune homme qu'Andrzej a failli renverser. Ce dernier propose au jeune homme de l'accompagner lui et Krystyna en mer. Très vite, un antagonisme oppose les deux hommes, qui agissent tous les deux en macho devant la jeune femme qui s'amuse de la situation...

MON AVIS : Pour son premier long-métrage, le cinéaste polonais Roman Polanski signe avec Le Couteau dans l'Eau un drame extrêmement maîtrisé en forme de huis-clos, avec trois personnages en tout et pour tout, deux hommes et une femme, réunis sur un voilier voguant au gré du vent. Il semblerait que ce film ait fait l'effet d'une bombe au sein d'un paysage cinématographique polonais formaté, le pays communiste étant sous tension au début des années 60, le pouvoir en place refusant le mouvement de libéralisation dans de nombreux domaines débuté en 1956 et fermement réprimé en mars 1968. Avec une intrigue se déroulant quasi majoritairement sur le voilier, à la manière du Lifeboat d'Alfred Hitchcock, Roman Polanski va réussir à embarquer sa caméra dans ce lieu exiguë pour suivre au plus près ses trois acteurs, accentuant ainsi la sensation d'oppression qui va créer ce climat trouble et dérangeant dans lequel vont justement évoluer les personnages du film, et principalement les deux héros masculins. Dès la scène d'introduction, on sent qu'il y a un problème de couple entre Andrzej et Krystyna (la charmante Jolanta Umecka), problème qui va évoluer au fil du temps et notamment avec l'intrusion du jeune auto-stoppeur dont on ne connaîtra jamais le nom ou le prénom. Avec subtilité, Polanski glisse des regards qui ont un sens entre Krystyna et ce blondinet qui représente l'exact opposé de son mari. En effet, le jeune homme est une sorte de vagabond libre de tous mouvements, qui marche au gré de ses envies, s'arrête là où il le désire, qui est libre, tout simplement, n'a aucune contrainte, aucune obligation envers quiconque. C'est exactement ce qui va agacer Andrzej, qui, lui, veut tout contrôler, tel le capitaine du voilier qu'il est. Face à l'insouciance et la naïveté du jeune homme, associés à ses problèmes de couple avec Krystyna, Andrzej va débuter, une fois en mer, un petit jeu du chat et de la souris avec le jeune homme, et se livrer à un affrontement psychologique avec lui, affrontement dans lequel la virilité des deux hommes va être mise à l'épreuve, Krystyna devenant malgré elle une sorte de juge neutre, du moins en apparence. Les dialogues sont précis, souvent percutants et certaines situations participent pleinement à instiller le malaise recherché par le réalisateur, à l'image de la partie de Mikado ou de la scène du repas avec la soupe entre autres. Le jeune homme, troublé par le charme de Krystyna même s'il fait mine de rien, va tomber dans le piège tendu par Andrzej et va réagir lui aussi avec machisme et insolence, et son attitude va elle aussi augmenter la tension au sein du trio, ce qui maintient l'intérêt du spectateur, qui se demande bien quel rôle va jouer le fameux couteau du titre, objet possédé par le jeune homme et qui est souvent présent à l'écran pour diverses raisons, et dont la forme phallique n'est évidemment pas anodine. Avec seulement trois acteurs et un voilier, Le Couteau dans l'Eau aurait pu se montrer ennuyeux, mais la réalisation virtuose de Polanski, le jeu des trois acteurs et le scénario, bien plus malin qu'il ne semble l'être, font que ce huis-clos fonctionne très bien et que cette compétition virile et malsaine procure bien du plaisir. En fin de compte, le côté minimaliste, épuré du film, est justement ce qui fait sa grande force. Les assagissements irraisonnés du jeune homme, qui veut faire aussi bien que son rival pour les beaux yeux de Krystyna (il essaye de barrer le voilier sans aucune connaissance des techniques de voile, monte tout en haut du mat en réaction à une parole d'Andrzej alors qu'il a dit qu'il ne savait pas nager et qu'une chute de cette hauteur peut s'avérer des plus dangereuses pour lui...), les provocations répétées d'Andrzej qui veut avilir la liberté du jeune homme en l'obligeant à lui obéir, pensant obtenir un regain d'intérêt de la part de sa femme, le comportement manipulateur de cette dernière, qui se révèle être en fait le personnage le plus malin et le plus fort des trois, alors qu'on pensait qu'elle n'était qu'une simple potiche au début du film, les dualités mises en avant par l'histoire (le bourgeois contre le prolétaire, le vieux contre le jeune, l'impuissant contre le fougueux...) et la beauté des plans proposés par le réalisateur font du Couteau dans l'Eau une première oeuvre intrigante, d'une réelle beauté formelle, qui distille son ambiance avec efficacité et inventivité. Un premier film vraiment réussi, qui fût d'ailleurs nominé pour l'Oscar du meilleur film étranger en 1963, faisant déjà entrer Roman Polanski parmi les réalisateurs sur qui il faudra compter par la suite.


samedi 16 novembre 2019

RÉPULSION

RÉPULSION
(Repulsion)

Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1965
Scénariste : Roman Polanski, Gérard Brach
Pays : Angleterre
Genre : Drame
Interdiction : -16 ans
Avec : Catherine Deneuve, Ian Hendry, John Fraser, Yvonne Furneaux, Patrick Wymark...


L'HISTOIRE : Carole, une jeune manucure belge, travaille et vit à Londres avec sa sœur Hélène. Introvertie, elle éprouve des problèmes relationnels avec les hommes. Elle repousse Colin, qui la courtise et n'apprécie pas Michael, l'amant de sa sœur. Quand cette dernière part en vacances avec Michael, Carole sombre progressivement dans la névrose. Reclue, elle bascule dans la schizophrénie meurtrière...

MON AVIS : Après de nombreux courts-métrages, Roman Polanski réalise son premier film en 1962 avec Le Couteau dans l'Eau. Trois ans plus tard, il récidive avec Répulsion, qui sera également son premier film tourné en langue anglaise. Le titre même du film s'applique au personnage principal, Carole, jouée par Catherine Deneuve. Un rôle difficile pour l'actrice, qui doit nous faire ressentir sa répulsion des hommes mais aussi ses névroses, sa difficulté à vivre dans la société, ses fantasmes naissants, son mal-être qui la poussera à commettre l'irréparable. Avec très peu de dialogues à son actif, Catherine Deneuve relève haut-la-main le défi et nous livre une très bonne prestation, avec son visage restant constamment renfermé, ses yeux et son regard étant comme absents, vides, son sourire refusant de s'élargir. On ressent réellement la dépression, le mal de vivre de la jeune femme et on assiste tout au long du film à son évolution, ou plutôt à son déclin devrait-on dire, à son repliement sur elle-même, à sa fragilité croissante, à la fissure de son esprit, ce dernier élément étant représenté à l'écran par de véritables fissures apparaissant dans les cloisons de son appartement, figure métaphorique pour nous signifier la fracture de sa santé mentale et sa progression dans la folie. Filmé en noir et blanc, Répulsion est donc un drame psychologique, qui va basculer petit à petit vers une horreur glaciale et froide, sans jamais se montrer démonstratif d'ailleurs. Le film prend son temps pour instaurer son ambiance et on a même l'impression qu'il ne se passe jamais grand chose en fait, ce qui n'est pas faux en plus, mais cela ne joue jamais en sa défaveur. Dans la première partie du film, Polanski nous propose de suivre les journées mornes et sans saveur de Carole, son travail au centre de beauté, sa relation avec sa sœur et l'amant de celle-ci, son désir refoulé vis à vis de Colin, un jeune homme séduisant qui s'intéresse à elle mais à qui elle n'offre aucune chance, à cause de sa répulsion justement. Avec moult détails, qui apparaissent comme anodins au départ, Polanski étoffe son personnage-clé, lui colle des tics qui font sourire le spectateur au début mais qui, en fait, nous font comprendre, inconsciemment, que quelque chose cloche chez Carole. Même si on sent la fragilité psychologique de la jeune femme dès le départ, on ne se doute pas de l'intensité et de la place qu'elle occupe dans ce corps et cet esprit instable. La progression vers le point de non-retour va se déclencher quand Carole se retrouve totalement seule dans l'appartement, suite au départ en vacances de sa sœur avec son amant. Livrée à elle-même, la jeune femme n'a plus personne sur qui se raccrocher, plus personne sur qui compter pour la rassurer et l'empêcher de craquer et de sombrer. Ses fantasmagories vont peu à peu l'assaillir, son refoulement sexuel resurgir et des cauchemars lubriques, dans lesquels elle se fait violer par un inconnu, vont se faire de plus en plus présents. Certaines scènes sont superbes, comme "le couloir des mains" très perturbant. L'ambiance sonore, parfois réduite au minimum, contribue pourtant à nous faire entrer dans la psyché du personnage : gouttes d'eau, rires des bonnes-sœurs qui jouent sous la fenêtre de l'appartement, tic-tac de l'horloge, sonnerie de téléphone sont autant de petits éléments sonores qui vont perturber le quotidien de Carole. Point fort du film, outre la prestation de Catherine Deneuve dans un rôle bien éloigné de ce qu'elle fera par la suite, la caméra de Roman Polanski qui épouse le visage de l'actrice, la colle au plus près, l'enferme dans le cadre de l'objectif, tout comme sa schizophrénie naissante l'enferme dans son esprit. Les deux scènes de meurtres sont filmées sans complaisance, de manière abrupte, clinique, sans céder au débordement gore. Quelques taches de sang, la vision de Deneuve, l'air hagard, frappant et frappant encore à l'aide d'un chandelier sa première victime ou lacérant à coup de rasoir la seconde, suffissent pour créer le malaise. Un malaise qui ira crescendo, mis en exergue par l'intérieur même de l'appartement, devenu une prison mentale pour Carole, qui, à l'image du lapin pourrissant, décrépit elle aussi lentement, inexorablement. La cause de son drame intérieur, de sa répulsion envers le sexe masculin, ne se trouverait-elle pas dans la dernière image du film, avec cette photo de famille dans laquelle Carole, alors une toute jeune enfant, a déjà un visage qui ne respire pas la joie de vivre et qui semble regarder son père ? Une blessure interne, un mal profond, insidieux, certainement provoqué par un abus illégitime, serait donc le véritable point de départ de la dépression de Carole, c'est ce que semble en tout cas indiquer cette photographie. Totalement maîtrisé, jouant admirablement bien sur les éclairages et les ombres, visuellement splendide, Répulsion est une plongée vertigineuse dans l'âme torturée de son héroïne, qui contient déjà les éléments du cinéma de Polanski, qu'il exploitera encore plus avant dans ses films suivants, notamment Le Locataire ou Rosemary's Baby entre autres. Répulsion a remporté l'Ours d'Argent au festival de Berlin 1965.


   

jeudi 14 novembre 2019

CAN YOU KEEP A SECRET ?

CAN YOU KEEP A SECRET ?
(Can you Keep a Secret ?)

Réalisateur : Elise Duran
Année : 2019
Scénariste : Peter Hutchings
Pays : Etats-Unis
Genre : Comédie, Romance
Interdiction : /
Avec : Alexandra Daddario, Tyler Hoechlin, Kimiko Glenn, Laverne Cox, Sunita Mani...


L'HISTOIRE : Installée dans un avion pour son retour d'un voyage professionnel qui s'est mal passé, Emma Corrigan est prise d'une panique totale lorsque l'appareil subit une vague de fortes turbulences. Au bord de l'hystérie, elle se met à raconter toute sa vie au passager assis à ses côtés, certaine que sa dernière heure est arrivée. Une fois l'avion posé sans encombre à New York, Emma reprend le cours normal de sa vie, entre petit ami ennuyant et collègues de travail irritants. Quand le grand patron de sa boite, Jack Harper, annonce qu'il débarque pour passer quelques journées au contact de ses salariés, c'est le branle-bas de combat pour Emma. Surtout quand elle découvre que son boss n'est autre que le passager de l'avion à qui elle a dévoilé tous ses secrets les plus intimes...

MON AVIS : Ah Alexandra Daddario ! Comment ne pas craquer pour cette actrice aux yeux d'un bleu à faire fondre le plus solide des glaciers et pourvu d'un décolletée qui s'occupera de terminer le travail s'il reste un petit bout de glaçon récalcitrant ? Ayant débuté sa carrière en 2002 dans la série La Force du destin, à l'âge de seize ans, notre belle new-yorkaise s'est ensuite illustrée de façon assez anecdotique dans Les Berkman se séparent (2005), Les Babysitters (2006) et The Attic (2006) avant d'obtenir, en 2010, le rôle d'Annabeth, fille de la déesse Athéna dans Percy Jackson le Voleur de Foudre. Cette même année, on peut la voir dans le film d'horreur Bereavement, dans lequel elle livre une très solide composition. En 2011, elle joue dans la comédie B.A.T. - Bon à Tirer avant de retrouver le rôle d'Annabeth dans Percy Jackson - la Mer des Monstres ou de devoir affronter le terrifiant Leatherface dans Texas Chainsaw 3D, tous deux en 2013. L'année suivante, elle affole tous les mâles de la planète en apparaissant totalement nue dans la série True Détective puis va rejoindre le casting du très sympa Burying the Ex de Joe Dante. Elle enchaîne ensuite film d'action et comédie romantique (San Andreas, The Choice, Baked in Brooklyn, Baywatch, Escale à trois, When We First Met), thriller (Nomis) ou film d'ambiance (We Always Lived in the Castle). En 2019, on la retrouve donc au générique de Can You Keep a Secret ? de la réalisatrice Elise Duran, dont c'est le premier film pour le cinéma. Adaptation d'un roman à succès de Sophie Kinsella, Les Petits Secrets D'Emma, Can You Keep a Secret ? est une pure comédie romantique comme Hollywood en produit à la pelle, interchangeable et ne présentant que peu d'originalité dans son domaine. Reste que la présence d'Alexandra dans le rôle principal lui donne évidemment un intérêt supplémentaire et que sa vision est par conséquent obligatoire si vous êtes fan de la belle demoiselle. Honnêtement, je préfère la voir dans des thrillers ou des films d'action, encore plus dans des films d'horreur (j'attend avec impatience son nouveau film, We Summon the Darkness, qui semble bien prometteur à ce niveau) que dans ce type de comédie lambda, même si elle a aussi le physique de l'emploi, typique de la girl next door qu'on aimerait tous avoir pour voisine, collègue de travail et même petite amie. Elle le prouve encore dans Can You Keep a Secret ? dans lequel elle incarne une fille un peu gourde, faisant gaffe sur gaffe et qui, bien sûr, recherche le grand amour, la personne qui saura voir qui elle est vraiment sans se focaliser sur ses défauts. Bon, déjà, des défauts elle n'en a aucun, c'est quoi ce scénario ? Trêve de plaisanterie, Alexandra se montre très à son aise ici et n'hésite pas à grossier les traits de son personnage pour nous faire rire avec des situations parfois bien concasses qui, j'avoue, m'ont souvent fait sourire par leur aspect décalé et même parfois un peu trash. La scène du début, où elle est paniquée dans un avion pris dans des turbulences horribles (j'aurai déjà fait un arrêt cardiaque pour ma part) et se met à raconter sa vie à un parfait inconnu est très drôle, tout comme la première apparition de son boss, qui n'est donc que ce parfait inconnu. La relation amusante entre les deux personnages fonctionne plutôt bien et la romance s'installe peu à peu, sans qu'elle se montre innovante par contre, on est vraiment dans la romance de base typique, avec ses hauts et ses bas, l'histoire des secrets inavouables étant le grain de sable qui va finir par gripper cette relation amoureuse naissante. Des secrets pourtant bien inoffensifs et qui n'empêchera pas le film de se conclure, évidemment, avec un happy-end attendu. Le couple à l'écran Alexandra Daddario / Tyler Hoechlin est sympathique sans être non plus mémorable (ce n'est pas non plus Julia Roberts / Richard Gere ou Julia Roberts / Hugh Grant par exemple) mais dans l'ensemble, ça passe bien et nos tourtereaux nous offrent de jolis moments de tendresse qui feront fondre les cœurs sensibles. Le film met parfois en avant les soucis financiers de la société gérée par Jack Harper, les problèmes d'entente entre collègues, l'arrivisme au travail et j'en passe, mais au final, tout ça ne sert pas à grand chose si ce n'est à meubler un peu l'intrigue et à ajouter des séquences humoristiques. On appréciera également les tenues totalement extravagantes d'une des amies de l'héroïne, tout comme le comportement ahurissant du petit-ami de cette dernière, fan de jazz et aimant se balader sans pantalon dans l'appartement. On comprend aisément pourquoi elle le largue pour son boss. Can You Keep a secret ? est à réserver avant tout à celles et ceux qui ont apprécié des films comme Bridget Jones par exemple, le personnage joué par Alexandra Daddario nous rappelant d'ailleurs cette dernière. Divertir, ce film n'a aucun autre but et pour peu que vous aimiez les films à l'eau de rose, il remplira parfaitement cet office. Je ne lui en demandais pas plus, mission réussie en ce qui me concerne.