NEAR DARK - AUX FRONTIÈRES DE L'AUBE
(Near Dark)
Réalisateur : Kathryn Bigelow
Année : 1987
Scénariste : Kathryn Bigelow, Eric Red
Pays : Etats-Unis
Genre : Fantastique, Vampires
Interdiction : -12 ans
Avec : Lance Henriksen, Bill Paxton, Jenny Wright, Adrian Pasdar...
L'HISTOIRE : Habitant dans un petit patelin paumé, le jeune Caleb tombe sous le charme de Mae, une charmante blondinette qui vit avec un groupe de marginaux. Il ne sait pas que celle-ci est un vampire. Après avoir été contaminé par un baiser de Mae, Caleb va découvrir le monde de la nuit et faire connaissance avec les membres de la "famille" de Mae. Comprenant petit à petit ce qu'il est en train de devenir, Caleb se refuse à ôter la vie pour se nourrir, ce qui va entraîner des tensions entre lui et les amis vampires de Mae...
MON AVIS : Après avoir pris des cours de peinture dans une école d'art, Kathryn Bigelow décide de devenir réalisatrice. En 1981, elle met en scène son premier film, Loveless. Six ans plus tard, elle co-rédige une histoire avec Eric Red. Les deux scénaristes ont dans l'idée de moderniser le mythe du vampire, d'éviter tous les clichés inhérents au genre (crucifix, gousses d'ail, dents pointues, château lugubre, chauve-souris...), de jouer avec les codes et les décors du western et de mettre en avant une romance entre les deux personnages principaux, un humain et une vampire. Elle parvient à trouver un producteur et à faire accepter le fait qu'elle sera la réalisatrice du film. Une initiative qui va s'avérer payante puisque Near Dark, rebaptisé Aux Frontières de l'Aube en France, ne sera ni plus ni moins que l'une des meilleures tentatives d'apporter de la modernité et de l'originalité au thème du vampire. Certes, Les Prédateurs (1983), Vampire, vous avez dit Vampire ? (1985), Vamp (1986) et Génération Perdue (1987) ont eux aussi participer à cette modernisation et cette remise en avant des créatures de la nuit, immortalisées par Bela Lugosi et Christopher Lee, mais le film de Kathryn Bigelow va bien plus loin dans le concept même de la restructuration du mythe puisque, comme déjà dit, elle a exclu tout ce qui peut faire penser à un film de vampires, tous les codes traditionnels, hormis le besoin de sang pour se nourrir, l'immortalité et les ravages du soleil. Même le mot "vampire" n'est jamais prononcé et l'idée de la transfusion sanguine peut faire penser à une simple maladie, ce qui rend le film encore plus intéressant. Exit aussi l'aspect aristocratique des buveurs de sang et place aux desperados de l'Ouest façon La Horde Sauvage de Sam Peckinpah ! Une prise de risque aussi inattendue que motivée de la part de Kathryn Bigelow qui remporta l'adhésion quasi unanime du public et des critiques, qui tombèrent tous sous le charme de Near Dark. On les comprend aisément puisque ce film est un petit bijou d'ambiance, de mise en scène, d'idées neuves qui s'imbriquent parfaitement avec ce qu'il reste des codes classiques du film de vampire. Les crocs acérés sont remplacés par les couteaux ou les pistolets, les cercueils protecteurs par des véhicules volés dont on aura recouvert les fenêtres avec des matières pare-soleil. Le tout dans un paysage de western, ce qui sied parfaitement au rendu du film et au look des vampires présentés ici. Outre la ravissante Mae (sublime Jenny Wright dont il est impossible de ne pas tomber amoureux dans ce film), les autres vampires sont joués par Lance Henriksen (Jesse, clin d'oeil à Jesse James sûrement), Bill Paxton (Severen), Jenette Goldstein (Diamondback) et le jeune Joshua John Miller (Homer). Éperons aux chaussures, ceinturons, colts et habits poussiéreux font partie de leur tenue vestimentaire et on est bien loin de la chemise blanche et de la grande cape noir et rouge souvent porté par le comte Dracula. Ces anti-héros nous apparaissent de plus en plus charismatiques au fil de la progression, même le cruel Severen (génial Bill Paxton qui se donne à 100% dans l'interprétation de ce vampire déjanté, le seul qui semble prendre un réel plaisir à massacrer des humains). L'amateur éclairé aura repéré que Henriksen, Paxton et Goldstein ont déjà joué ensemble l'année précédente, dans Aliens le Retour. C'est d'ailleurs pour cette raison que Kathryn Bigelow les a voulu pour Near Dark, car elle voulait bien assister sur l'aspect "famille" de ce groupe de vampires. Encore un choix payant car leur relation fonctionne très bien à l'écran. Si Near Dark réserve son lot de scènes de violence, typique des westerns, avec gunfights dans un motel contre les forces de l'ordre dirigées par le shérif local (scène spectaculaire et d'une précision chirurgicale, les balles provenant des deux camps qui s'affrontent provoquant des trous laissant passer le soleil, ce qui incommodera bien nos vampires...), massacre dans un bar (le saloon bien sûr) et un affrontement entre Caleb et Severen vers la fin du film qui a toutes les caractéristiques d'un duel, le film de Kathryn Bigelow n'en oublie pas l'émotion et la poésie et ce, à travers la romance de Caleb et Mae. Une histoire d'amour qui semble impossible et qui fait bifurquer le film vers le récit initiatique (éveil à l'amour, à la nuit, à la vie vampirique...). Romeo & Juliette n'est pas loin puisque la relation hors norme entre Caleb et Mae va compliquer la vie de leur famille respective. Bercé par la musique de Tangerine Dream, le spectateur ne peut que se laisser prendre par la main et savourer les sublimes images qu'a composé Kathryn Bigelow. Les effets visuels des brûlures sont particulièrement réalistes, la photographie est très belle et cette relecture moderne du film de vampire s'avère une excellente surprise pour qui veut sortir des sentiers balisés. Décidément, les réalisatrices ne font clairement pas pâle figure face à leurs comparses masculins quand il s'agit de dynamiter les règles. Outre Near Dark, on pense aussi à Antonia Bird qui avait modernisé le film de cannibale avec Vorace par exemple, film qui, lui aussi, utilisait les paysages du western ! Le Festival international de Paris du film fantastique et de science-fiction ne s'y est en tout cas pas trompé puisque Near Dark y a reçu la Licorne d'Or en 1988.
LE DVD/BR :
Je n'avais pas revu Near Dark depuis l'époque VHS, c'est donc avec grand plaisir que j'ai visionné le Blu-Ray du film qui vient de sortir dans la collection Make my Day de Jean-Baptiste Thoret. Le film se déroulant quasiment de nuit durant toute sa durée, la copie présentée ici remplit sa fonction et nous permet d'admirer le travail artistique dans de très bonnes conditions. Les scènes nocturnes sont lisibles et ce Blu-Ray enterre les copies VHS. Parmi les bonus, outre la préface toujours instructive de JB Thoret, on trouve une interview assez hallucinante de Kathryn Bigelow qui date de 1988 et réalisé pour l'émission française Rapido (avec la caméra qui bouge, des bruits de fonds qui viennent perturber l'enregistrement et j'en passe !) ainsi que le documentaire de 46 minutes intitulé Living in Darkness et dans lequel on trouve de nombreux interviews de la réalisatrice, du casting et de l'équipe technique. Un très bon supplément ! La bande-annonce originale est également présente, le tout étant servi dans un joli digipack.
* Disponible en combo DVD / BR chez STUDIOCANAL
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