CHINA GIRL
(China Girl)
Réalisateur : Abel Ferrara
Année : 1987
Scénariste : Nicholas St. John
Pays : Etats-Unis
Genre : Drame, Romance
Interdiction : -12 ans
Avec : James Russo, Richard Panebianco, Sari Chang, Russell Wong, David Caruso...
L'HISTOIRE : A New York, dans les années 80, la guerre des gangs fait rage entre Italiens et Chinois. Ces derniers étendent leur territoire en implantant de nombreux restaurants dans le quartier de Little Italy, ce qui suscitent jalousie et haine raciale de la part des jeunes italiens vivant dans le quartier. C'est dans cette atmosphère violente que Tony rencontre dans un club de rock la belle chinoise Tye. De cette rencontre naîtra un amour interdit, mal vu par les deux communautés...
MON AVIS : Après Driller Killer (1979), L'Ange de la Vengeance (1981) et New York Deux Heures du Matin (1984), le cinéaste anarchiste et provocateur Abel Ferrara poursuit son exploration des rues de New York avec China Girl, qu'il réalise en 1987. La lecture du scénario a évidemment dû vous évoquer la plus célèbre et tragique des histoires d'amour : celle de Roméo et Juliette bien sûr ! Sans jamais le dire, Abel Ferrara reprend, à sa sauce, la tragédie shakespearienne et en déplace l'action dans le Chinatown 80's, en proie à un début de guerre raciale entre Italiens et Chinois. Les deux communautés se toisent, se méfient l'une de l'autre, chacune se sentant menacée par l’expansionnisme de l'autre. Si les Italiens voient d'un mauvais œil l'arrivée de restaurants asiatiques dans leur quartier, les Chinois quant à eux ne se sentent pas en sécurité, étant même menacés par les membres de leur propre communauté, qui n'apprécient pas de voir leurs concitoyens sympathiser et s'installer avec l'ennemi. "Les Chinois travaillent pour les Chinois" proclame la jeunesse chinoise désemparée, réunit en gang afin de ne pas se laisser marcher sur les pieds par le gang italien d'en face. Fidèle à son habitude, Abel Ferrara filme de manière crue les rues sordides de New York, dans lesquelles les affrontements font rages. On assiste à de nombreuses bagarres de rues, où barres de fer, chaînes, flingues et coups de poing exécutent de violents ballets. J'emploie le mot "ballet" intentionnellement car les affrontements de China Girl ne prennent pas la peine de cacher qu'ils sont chorégraphiés (hommage à West Side Story ?) et ça se ressent lors de leur vision mais ce n'est un point faible du film dans le cas présent. On sera plus surpris par contre par la tournure inattendue que fait prendre Ferrara à l'histoire originale. En effet, dans China Girl, les adultes ne se font pas la guerre, à l'inverse des Capulet et des Montaigu chez Shakespeare. Bien au contraire. Ils tentent même d'adoucir les relations entre les communautés, se rencontrent fréquemment, discutent des solutions à apporter pour vivre dans un semblant d'harmonie. Leur principal problème vient de la jeunesse, insoucieuse, incontrôlable, en manque de repère et d'identité. Une jeunesse qui refuse même l'autorité des "parrains" et ne désire que prendre l'ascendant sur le gang rival. A chaque bagarre, les "parrains" interviennent de manière brutale afin de leur faire comprendre qui fixe les règles mais sans jamais y parvenir. Un détournement de situation déconcertant de prime abord mais qui apporte un vent de fraîcheur à cette histoire archi-connue et qui n'empêche en rien Abel Ferrara de faire ce qu'il sait faire de mieux : dynamiter les conventions, se montrer subversif, transgressif et contourner les codes des genres dans lesquels il s'illustre. Même si China Girl peut être perçu comme son film le plus archétypal, le réalisateur underground nous propose, quoi qu'on en dise, une véritable incursion dans son univers, qui bénéficie de fulgurances visuelles qui en font tout le charme. On le voit d'ailleurs dans la façon qu'il a de filmer la romance entre Tony (Richard Panebianco) et la belle Tye (Sari Chang) : l'histoire d'amour n'est que secondaire ici, et n'empiète quasiment jamais sur le thème central du film, à savoir le conflit de générations. La romance n'est pas non plus traitée par dessus la jambe mais je m'attendais à ce qu'elle prenne plus d'espace au sein de l'intrigue, qu'elle soit encore plus désespérée, tragique, ce qu'elle est toutefois. Car il est impossible de nier que China Girl ne respire pas l'optimisme, il est même d'un pessimisme assez poignant, notamment lors de la fameuse scène finale, qu'on attend tous et dont on voudrait qu'elle n'arrive pas. Profondément ancré dans son époque, les années 80, China Girl a pourtant bien vieilli pour ma part. Les chansons pop rock font toujours leur effet (dont l'excellent Walk this Way de Run D.M.C.), les scènes dans la boite de nuit, malgré les coupes de cheveux et les fringues 80's, ne sont pas ridicules. S'il n'atteint pas le niveau d'excellence des futurs The King of New York ou Bad Lieutenant, le China Girl d'Abel Ferrara reste tout de même une oeuvre attachante, qu'on prend grand plaisir à visionner, ne serait-ce que pour son duo charismatique. A noter la présence du jeune David Caruso parmi les membres du gang italien.
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