TÉNÈBRES
(Tenebre)
Réalisateur : Dario Argento
Année : 1982
Scénariste : Dario Argento
Pays : Italie
Genre : Giallo
Interdiction : -16 ans
Avec : Anthony Franciosa, Giuliano Gemma, Christian Borromeo, Veronica Lario...
L'HISTOIRE : Fort du succès de son dernier roman, "Ténèbres", l'écrivain Peter Neal se rend à Rome pour en assurer la promotion. Dès son arrivée, il est contacté par l'inspecteur Germani qui lui apprend qu'une jeune femme a été retrouvé assassiné à coup de rasoir, avec des pages de "Ténèbres" enfoncées dans sa bouche. Peter Neal est contacté au téléphone par le mystérieux assassin, qui poursuit sa virée meurtrière et reste insaisissable. La police tente de comprendre les motivations du tueur et son rapport avec le roman de Peter Neal. Ce dernier craint pour sa propre vie car les victimes continuent de se multiplier...
MON AVIS : Après une entrée fracassante dans le domaine du giallo dès 1970 avec L'Oiseau au Plumage de Cristal, Dario Argento a poursuivi avec brio dans ce genre avec Le Chat a Neuf Queues (1971), Quatre Mouches de Velours Gris (1971) et Les Frissons de l'Angoisse (1975) avant de s'en éloigner pour verser dans le fantastique avec Suspiria (1977) et Inferno (1980). Une bifurcation de courte durée puisque dès 1982, Dario Argento fait son grand retour dans le giallo avec Ténèbres, qui reste un de ses films préférés. Pour ce film, le réalisateur transalpin souhaite revenir aux bases du genre et demande à son directeur de la photographie, l'excellent Luciano Tovoli, de lui fournir un travail allant totalement à l'encontre de ce qu'il a effectué sur Suspiria, c'est à dire de lui fournir une image froide, débarrassée de tout effet de lumière et de couleur et ce, afin de gagner en réalisme. Une mission que remplira haut la main Tovoli qui fait prédominer le blanc et le noir dans Ténèbres, jouant avec les contrastes et la luminosité avec brio. Cette dominante noir et blanche, parfois bleutée, est seulement contrastée par les éclats de sang bien rouge qui ont lieu durant les nombreux meurtres proposés dans le film. Outre cette palette de couleur qui donne au film un effet moderne, les choix de décors de Dario Argento sont aussi à l'avenant et se montrent particulièrement inspirés ici. Du propre aveu du réalisateur, le choix d'une architecture résolument post-moderne est totalement délibéré, ce dernier voulant montrer au public une autre facette de Rome, l'exemptant de tout attribut antique, comme si le film se déroulait dans une époque quasi futuriste. Villa aux murs blancs perdue dans un immense jardin, immeuble carré ou rectangulaire, on est loin du Colisée ou des monuments gothiques ou baroques qu'on a l'habitude de voir dans les films se déroulant dans cette ville magnifique. La mise en scène d'Argento se montre également des plus virtuoses, que ce soit lors d'une longue course poursuite entre une jeune fille et un chien qui se soldera par la découverte du repaire de l'assassin par cette dernière ou lors des différents meurtres, à l'esthétisme raffiné et à l'inventivité certaine. Le meilleur exemple, qui réunit à la fois virtuosité et inventivité, est sans conteste le meurtre de deux lesbiennes. Cette scène bénéficie, pour la première fois dans un film italien, de l'utilisation de la Louma, invention française (cocorico !) qui permet de placer sur une grue articulée et commandable à distance une caméra, offrant au réalisateur la possibilité d'obtenir des plans absolument incroyables. Comme dans cette séquence donc, dans laquelle la caméra se déplace tout autour d'un immeuble avec une fluidité totale, explorant murs, fenêtres et toitures avec une souplesse inégalée, jusqu'à pénétrer dans l'appartement des deux futures victimes qui vont devenir la proie du tueur au rasoir. De la haute voltige pour un résultat saisissant. Bien sûr, le meurtre le plus célèbre de Ténèbres est celui de l'actrice Veronica Lario qui voit son bras être sectionné par un coup de hache, un geyser de sang venant alors repeindre en rouge le mur blanc de l'appartement. Impressionnant. Argento se montre toujours aussi à l'aise dans le giallo malgré son incartade dans le fantastique et n'a pas oublié les code du genre : assassin ganté, meurtres violents à l'arme blanche, trauma déclencheur de la folie homicide, pincée d'érotisme, nombreux coupables potentiels, enquête de police (l'inspecteur étant joué ici par Giuliano Gemma), rebondissements et victimes principalement féminines se télescopent tout au long des 101 minutes du film, qui n'est malheureusement pas exempt de quelques défauts. Il faut bien avouer que certaines scènes de Ténèbres traînent un peu en longueur et auraient pu être supprimé ou raccourci pour le dynamiser d'avantage. Si on est heureux de voir l'acteur John Saxon, les séquences le mettant au premier plan sont dans l'ensemble peu intéressantes. Certains personnages n'apportent pas grand chose à l'intrigue ou ne sont là que pour se faire occire par notre mystérieux tueur, aux motivation bien énigmatiques. Et que dire du final on ne peut plus grand-guignolesque, qui lorgne presque vers le ridicule ? J'avoue que j'ai un peu de mal avec ce rebondissement final quelque peu tiré par les cheveux. Reste que malgré ces petits défauts, Ténèbres fait incontestablement parti du haut du panier de la catégorie giallo et il reste toujours aussi plaisant à revisionner, l'excellente partition électronique du trio Simonetti-Morante-Pignatelli y étant pour beaucoup également. Et puis, quelle affiche magnifique !
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