LE MIEL DU DIABLE
(Il Miele del Diavolo)
Réalisateur : Lucio Fulci
Année : 1986
Scénariste : Lucio Fulci, Jaime Jesús Balcázar, Ludovica Marineo, Vincenzo Salviani
Pays : Italie, Espagne
Genre : Drame, Thriller, Érotique
Interdiction : -16 ans
Avec : Brett Halsey, Corinne Cléry, Blanca Marsillach, Stefano Madia, Paula Molina...
L'HISTOIRE : Cécilia et Gaetano vivent une relation amoureuse tumultueuse, basée sur la domination et le masochisme. Gaetano est un musicien, saxophoniste assez doué, qui aime par-dessus tout le sexe et qui n’hésite pas à obliger Cécilia à se soumettre à tous ses désirs pervers. Lors d’une virée à moto, le couple a un accident qui paraît sans gravité mais Gaetano tombe dans le coma peu de temps après. Le docteur Domenici tente de lui sauver la vie mais échoue. Lorsque Gaetano décède, Cécilia tient le docteur pour responsable et le kidnappe, bien décidée à le faire payer pour ne pas avoir réussi à sauver son amoureux…
MON AVIS : On sait que Lucio Fulci est un habile touche-à-tout et qu'il s'est illustré de bien belle manière dans les divers genres qu'il a approché, que ce soit la comédie avec On a demandé la main de ma sœur), le western avec Le Temps du Massacre), le giallo avec Le Venin de la peur, le film de machination avec Perversion Story, le drame historique avec Beatrice Cenci, le polar avec La Guerre des Gangs ou le film d'horreur avec Frayeurs ou L'Au-Dela pour n'en citer que quelques-uns. Tombé gravement malade après le tournage de Murderock en 1984, ce qui l'éloigne pour un temps des plateaux de cinéma, Fulci, bien qu'encore affaibli, accepte de reprendre du service deux ans plus tard, pour une co-production italo-espagnole et dans un genre auquel il ne s'est pas encore essayé, à savoir le drame érotique. Ce film, ce sera donc Le Miel du Diable, oeuvre relativement méconnue du réalisateur, peu citée des fans mais qui est pourtant des plus intéressantes et qui s'avère plutôt bien maîtrisée qui plus est, l'histoire ne se privant pas d'intégrer des thématiques chères au metteur en scène, comme la notion de mort, de désespoir ou de fatalité. Interprété par un casting qui sied bien à l'univers malsain du film, porté par la performance de l'actrice Blanca Marsillach, qui joue le personnage psychologiquement instable de Cecilia, mais également par Brett Halsey (le docteur Domenici), Corinne Cléry (la femme frustrée de Domenici) ou Stefano Madia (le macho Gaetano), Le Miel du Diable met particulièrement bien en avant son argument érotique, avec de nombreuses scènes de sexe bien filmées et dans lesquelles Fulci sublime les corps parfaits de ses deux actrices. Mais ces séquences érotiques sont toutes parsemées d'un côté malsain, que ce soit la relation entre Gaetano et Cecilia, qui flirte dangereusement avec la sado-masochisme, ou la relation entre le docteur Domenici et sa femme, qui reste platonique et désespérante. Le fait que les personnages n'ont pas de véritable relation amoureuse tendre et reposante amplifie la part ténébreuse du Miel du Diable. L'emprise qu'exerce Gaetano sur Cecilia est à ce titre particulièrement destructrice, cette dernière ne se voyant que comme un vulgaire bout de viande que son compagnon peut malaxer et pétrir comme bon lui semble. Les penchants pervers de Gaetano, véritable libertin doublé d'un côté macho prononcé, font subir une réelle pression psychologique à la jeune femme, qui ne parvient pas à se détacher de cette relation toxique et cède à tous les désirs de son fiancé, quels qu'ils soient. C'est une relation toxique mais néanmoins fusionnelle tant les deux amants ne peuvent vivre l'un sans l'autre. A l'inverse, la relation de couple du docteur Domenici avec sa femme est en encéphalogramme plat. Totalement impuissant à faire l'amour à sa femme, le médecin doit combler cette perte de virilité avec des prostituées, ne se rendant même pas compte que sa femme est au courant de ses liaisons. On le voit, l'amour dans Le Miel du Diable est loin d'être gai, le film ne respirant jamais la joie de vivre, et son fatalisme, voire même son nihilisme, est assez perturbant. Fulci a réalisé un film de dépressif, dans lequel tous les personnages, masculins ou féminins, sont des pervers, des névrosés. Le film bascule ensuite dans une sorte de film de vengeance une fois le Dr Domenici kidnappé par Cécilia. Comme ce dernier, ne pensant qu'aux paroles de sa femme demandant le divorce, a raté l'opération du cerveau sur Gaetano, Cecilia le tient pour responsable et ne voit plus qu'en lui le meurtrier de son amour. On assiste alors à un huis clos troublant, dans lequel le syndrome de Stockholm trouve sa place de façon toujours aussi malsaine. La caméra de Fulci suit les courbes affriolantes de Blanca Marsillach, sonde le visage et l’âme de Brett Halsey, qui semble trouver dans cette nouvelle relation d’humiliation la solution à son impuissance. La dernière image, un pistolet, nous indique que cette liaison ne trouvera son issue que dans la mort. Bref, malgré quelques menus défauts et un aspect parfois téléfilm du rendu de l'image, Le Miel du Diable est une oeuvre à réévaluer à la hausse je pense, qui propose de bonnes idées (l'utilisation du saxophone comme objet phallique lors d'une scène érotique troublante entre autres) et qui bénéficie d'une ambiance défaitiste vraiment marquante. C'est en tout cas un film largement supérieur aux films à venir de Lucio Fulci, qui va sombrer dans une spirale infernale de décadence cinématographique bien éloignée des perles qu'il a su nous offrir auparavant...
* Disponible en combo Mediabook DVD + BR chez ARTUS FILMS
Proposé avec un nouveau master 2K et en version intégrale, Le Miel du Diable peut enfin être visionné dans de très bonnes conditions, ce qui amplifie le fait qu'il doit être réévalué séance tenante. Des bonus sont bien sûr proposés, comme des entretiens avec Claudio Natili, Vincenzo Salviani, Corinne Cléry ou Antonella Fulci. Un diaporama d’affiches et de photos, le générique français et un livret de 80 pages viennent s'ajouter à cette belle édition.
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