QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS
(4 Mosche di Velluto Grigio)
Réalisateur : Dario Argento
Année : 1971
Scénariste : Dario Argento, Mario Foglietti, Luigi Cozzi
Pays : Italie, France
Genre : Giallo
Interdiction : -12 ans
Avec : Michael Brandon, Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Bud Spencer, Francine Racette...
L'HISTOIRE : Batteur de son état, Roberto Tobias en a plus qu'assez d'être suivi depuis plusieurs jours par un mystérieux inconnu. Il décide d'agir et parvient à attraper l'inconnu dans un théâtre abandonné. Une dispute s'ensuit et Roberto, sans vraiment le vouloir, poignarde l'homme. Un second inconnu, portant un masque de pantin et se trouvant dans les gradins, prend Roberto, arme du crime à la main en photo. Le musicien va ensuite être victime d'un véritable harcèlement de la part du maître-chanteur qui, étrangement, ne lui réclame rien. Quand la domestique de Roberto est retrouvée assassinée, ce dernier décide d'engager un détective privé pour découvrir l'identité du meurtrier et éviter que sa propre vie ne soit menacée...
MON AVIS : En 1970, Dario Argento fait un carton dans les salles de cinéma avec son premier film en tant que réalisateur : L'Oiseau au Plumage de Cristal. Un giallo au suspense savamment dosé et à l'intrigue travaillée, bénéficiant d'un coup de théâtre final astucieux et d'une maîtrise technique déjà bien aboutie. Il récidive dans le genre l'année suivante avec Le Chat à Neuf Queues, qui se veut d'une approche plus classique mais qui fait également un triomphe au cinéma. Fort de ces deux succès, Dario Argento se voit évidemment proposer de réaliser un troisième giallo. Il n'en a que moyennement envie, désirant aborder d'autres genres mais il n'a pas trop le choix. Avec son ami Luigi Cozzi, il travaille sur un nouveau scénario qui a du mal à trouver une conclusion. Mario Foglietti vient à la rescousse, propose un sujet à Dario. Ce dernier n'aime pas beaucoup l'histoire que Foglietti lui propose mais par contre, il trouve la révélation concernant l'assassin excellente. Il prend donc cette idée pour conclure le scénario de ce qui deviendra Quatre Mouches de Velours Gris, troisième et dernier volet de ce qu'on a coutume d'appeler "la trilogie animale de Dario Argento", en référence aux différents animaux qui peuplent le titre de ses trois premiers films. Avec Quatre Mouches de Velours Gris, Dario Argento risque de surprendre ceux qui s'attendent à un giallo traditionnel jouant avec les codes du genre. En effet, le réalisateur transalpin va surprendre ses admirateurs avec ce nouveau film, qui mélange le giallo à la comédie italienne, le tout saupoudré de petites touches oniriques qui annoncent sa future orientation vers le fantastique pur et dur. Un cocktail assez déstabilisant il faut bien le reconnaître puisque les scènes de tensions sont constamment contrebalancées par des séquences de pure comédie (le pauvre facteur notamment ou la présence de personnages excentriques, à l'image de ceux campés par Bud Spencer ou Jean-Pierre Marielle) qui viennent rompre le rythme et placer le spectateur dans une zone de non confort un peu perturbante. Expérimental, voilà bien le terme qui définit le mieux Quatre Mouches de Velours Gris. Dario Argento s'aventure hors des sentiers battus, tente des choses nouvelles, brise les codes qui ont fait le succès de ses deux films précédents (la séquence initiale du meurtre ne renvoie à rien ici, ne sert pas à trouver la solution quant à l'identité du meurtrier, contrairement à celle de L'Oiseau et du Chat). Un changement de cap qui, encore une fois, pourra dérouter le spectateur ne sachant plus trop sur quel pied danser mais qui ne pourra pas l'aveugler quant à la réelle maîtrise technique du film. Car la mise en scène de Quatre Mouches de Velours Gris est absolument fascinante. Avec une habileté assez folle, Dario Argento fait preuve d'une réelle maestria dans le placement de sa caméra, dans le choix des angles, des plans. On pense par exemple à toutes les scènes se situant dans l'appartement de Roberto, avec ces couloirs qui deviennent de véritables labyrinthes anxiogènes quand une présence mystérieuse semble être présente. Une technicité qui fait tout le sel de cette histoire somme toute banale de couple qui se déchire. Car oui, le sujet principal de Quatre Mouches de Velours Gris est bien le rapport de force qui s'installe entre Roberto et sa fiancée Nina. Un rapport conflictuel, qu'Argento n'explique jamais d'ailleurs. On comprend vite que le couple est au bord de la rupture, que la passion ou l'amour n'est plus présent entre eux mais on ne sait pas pourquoi. Même dans les moments difficiles, quand Roberto est pris à partie par une sorte de maître-chanteur, il refuse le soutien moral que lui propose Nina. Ces deux personnages sont parfaitement interprétés par Michael Brandon et la jolie Mimsy Farmer (qu'on reverra entre autres dans Frissons d'Horreur en 1975). Deux personnages pris dans une tourmente meurtrière qui va prendre des proportions dramatiques, jusqu'à l'original dénouement final. Tout aussi surprenant que le choix de mise en scène, la violence des meurtres est ici très largement revue à la baisse durant une bonne partie du métrage. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas superbement mis en scène bien sûr. Pour ma part, le meilleur reste celui de la domestique. La pauvre Marisa Fabbri va être pourchassée par le meurtrier dans une séquence hallucinante, qui prend racine dans une réalité tangible (un parc en pleine journée, baigné par le soleil et les enfants qui jouent ou les amoureux qui s'embrassent) et qui va, petit à petit, bifurquer dans une dimension quasi onirique, quasi fantasmagorique, dans laquelle la nuit chasse le jour en une fraction de seconde, ou les haies du parc deviennent autant de chemins qui mènent vers une mort certaine. Du travail d'orfèvre effectué par un Dario Argento en pleine possession de ses moyens. Une scène magistrale qui mérite à elle seule la vision du film. Quatre Mouches de Velours Gris (le titre sera expliqué dans une scène elle aussi très ingénieuse et en adéquation totale avec le jeu du faux-semblants qui rythme tout le film) n'est pas le film de Dario Argento qui est le plus connu puisqu'il fut plombé par de très difficiles conditions de distribution et de droits, ce qui le rendit quasiment invisible durant de nombreuses années, malgré une sortie en VHS en France. Le DVD et le BR édité par Wild Side vient donc à point nommer pour redécouvrir cette oeuvre atypique et troublante dans une très belle qualité.
* Disponible en DVD et BR chez WILD SIDE VIDEO
NOTE : 4/6
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