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SAN BABILA : UN CRIME INUTILE

SAN BABILA : UN CRIME INUTILE
(San Babila ore 20: un Delitto Inutile)

Réalisateur : Carlo Lizzani
Année : 1976
Scénariste : Mino Giarda, Carlo Lizzani, Ugo Pirro
Pays : Italie
Genre : Drame
Interdiction : -12 ans
Avec : Daniele Asti, Brigitte Skay, Giuliano Cesareo, Pietro Brambilla, Pietro Giannuso ...


L'HISTOIRE : Milan, place San Babila, en 1975 durant les années de plomb. Un groupe de jeunes néo-fascistes, dont font partie Michele, Franco, Fabrizio et Alfredo, fait régner sa loi, importunant les passants, s’empoignant avec les gauchistes de passage, draguant les filles. Lors d’une journée classique, ce petit groupe d’amis va provoquer une série de drames croissant dans la violence, jusqu’au crime inutile...

MON AVIS : Avec sa jaquette intrigante, je pensais que San Babila : Un Crime Inutile, film dont je n'avais jamais entendu parler, était un poliziesco, un néo-polar à l'italienne façon Big Racket, Brigade Spéciale, La Rançon de la Peur, Échec au Gang ou autre Milan Calibre 9. J'avais tout faux. Le film a été mis en scène en 1976 par Carlo Lizzani. Ce réalisateur n'a rien d'un artisan du cinéma Bis. Assistant-réalisateur sur Allemagne Année Zéro (1948), scénariste sur Riz Amer (1949), c'est un réalisateur engagé, profondément de gauche, soutenant la cause des syndicalistes et qui a reçu un prix au Festival de Cannes avec son film La Chronique des pauvres amants. Il fait partie de la mouvance du cinéma néo-réaliste et son thème de prédilection est la résistance antifasciste italienne,qu'il a illustré avec des films comme Achtung! Banditi! (1951), Le Procès de Vérone (1963) ou Les Derniers Jours de Mussolini (1974) entre autres. Il s'est suicidé le 5 octobre 2013. Avec San Babila : Un Crime Inutile, Carlo Lizzani est fidèle à ses idéaux puisque son film s'inspire d'un sordide fait divers qui s'est déroulé le 25 mai 1975 à Milan, place San Babila : Un sympathisant de gauche, Alberto Brasili, qui se promène avec sa petite amie Lucie Corna, est pris à partie par cinq jeunes néo-fascistes, ce qui est assez classique à cette époque, les affrontements entre partisans d'extrême-droite et d'extrême-gauche étant monnaie courante. Brasili, ainsi que Lucie Corna, sont frappés à coups de couteau à plusieurs reprises. Le jeune homme succombera à ses blessures mortelles. Un an après les faits, Lizzani s'empare donc de cette tragédie pour la retranscrire au cinéma. Toujours féru de néo-réalisme, il engage des acteurs totalement inconnus pour interpréter le gang des quatre fascistes et ce choix s'avère payant car ils se révèlent particulièrement doués et possèdent un visage et un charisme qui sied parfaitement à leurs personnages antipathiques. Le film nous propose donc de suivre ce gang anti "rouges" durant toute une journée, du matin au soir de l'agression fatale. Dans un style proche du documentaire, très réaliste (un cinéma projette French Connection, ce n'est pas un hasard), Lizzani nous présente, sans compassion aucune, les quatre voyous et va nous faire suivre leurs exactions malsaines, sans fioritures ni effets de style. Des exactions qui progressent crescendo, allant du simple vandalisme de scooters appartenant à des gauchistes à la tentative ratée de placer une bombe artisanale dans un local syndicaliste pour se clôturer sur la traque de deux sympathisants de gauche, traque qui mènera à un crime inutile. Les quatre néo-fascistes ne sont en rien sublimés dans le film. Lizzani nous dresse juste le portrait d'une jeunesse désabusée, certaine de ses convictions nauséabondes, en manque de repère et d'amour familial. Des gamins manipulés par "les chefs", moutons qui suivent une voie qui ne mène à rien sinon à la case prison. Une jeunesse désœuvrée, clairement misogyne mais impuissante (la scène avec Lalla, jeune fille paumée, souffre-douleur de la bande qui ne la respecte pas et que l'un des voyous veut baiser mais qui n'y arrive pas, la pénétrant avec un ustensile en plastique), qui bénéficie de la clémence de la police à maintes reprises, cette dernière fermant les yeux même quand les incivilités se passent juste sous leurs yeux ! Lizzani se montre politiquement assez virulent dans son propos et dans la description des événements et n'épargne personne, tous les personnages sont détestables au possible, quelque soit leur bord politique. Son film est empreint d'un nihilisme total et ne possède pas une once d'humour, si ce n'est la scène dans laquelle les quatre voyous exhibent les godemichés qu'ils viennent d'acheter dans un sex-shop aux yeux des passants incrédules. Sinon, ce n'est que noirceur et violence, autant dans les images, les dialogues ou les situations proposées. San Babila : Un Crime Inutile est donc un drame politique important pour qui s'intéresse à cette période des années de plombs, où l'extrême droite et les Brigades Rouges commettaient moult attentats, affrontements, enlèvements et assassinats qui plongèrent l'Italie dans le chaos. Cette journée en Enfer se doit d'être découverte par le plus grand nombre, San Babila : Un Crime Inutile ne méritant pas de rester méconnu auprès du public. Sa sortie en combo BR + DVD, avec une image nette et précise et des bonus intéressants (dont le module avec l’assistant réalisateur Gilberto Squizzato qui nous livre de nombreuses informations sur cette période tragique) lui permettra sans aucun doute de ne pas rester dans l'anonymat et de toucher un public plus large.

* Disponible en combo DVD + BR chez LE CHAT QUI FUME

NOTE : 4,5/6


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