FREAKS - LA MONSTRUEUSE PARADE
(Freaks)
Réalisateur : Tod Browning
Année : 1932
Scénariste : Leon Gordon, Willis Goldbeck
Pays : Etats-Unis
Genre : Drame, Epouvante
Interdiction : -16 ans
Avec : Wallace Ford, Leila Hyams, Olga Baclanova, Harry Earles, Johnny Eck...
L'HISTOIRE : Dans le cirque de madame Tetrallini, des "freaks" sont les vedettes de nombreux numéros et doivent cohabiter avec le reste du personnel. Cleopatra, une belle trapéziste, utilise ses charmes pour piéger Hans, un gentil nain qui vient d'hériter d'une grosse fortune. Avec l'aide d'Hercule, l'homme fort du cirque, Cleopatra va tout faire pour s'accaparer l'argent de Hans : elle le demande même en mariage, au grand dam de Frieda, sa fiancée actuelle, qui a bien compris le stratagème des deux escrocs. Mais les "freaks" ont un code d'honneur et Cleopatra, pour son plus grand malheur, va le découvrir...
MON AVIS : En 1931, le studio Universal remporte la mise sur ses concurrents avec deux films d'épouvante qui vont déplacer la foule en masse dans les salles : le Frankenstein de James Whale et le Dracula de Tod Browning. Ce dernier travaille aussi pour la MGM et le directeur de ce studio, Irving Thalberg, désire qu'il réalise le plus terrifiant des films d'épouvante afin de battre la Universal sur son propre terrain. Pour ce faire, la nouvelle "Spurs" de Tod Robbins, parue en 1923, est choisie comme base scénaristique. C'est d'ailleurs Harry Earles, qui interprète le personnage de Hans dans Freaks et qui avait déjà joué pour Tod Browning dans The Unholy Three en 1925 , qui est à l'origine de ce choix. Spurs se déroule dans le milieu du cirque et des freaks, terme générique qui désigne des personnes atteintes de difformités physiques parfois très importantes et qui gagnent leur vie en s'exhibant dans des "Freakshow" itinérants. La base de l'histoire plaît à Browning, qui demande aux scénaristes Leon Gordon et Willis Goldbeck de la retravailler et d'y ajouter plus de freaks. Le sujet attire Browning car ce dernier connaît très bien le monde du cirque ambulant, ayant vécu dans ce milieu au cours de sa jeunesse (il a été clown, contorsionniste, acrobate) et s'étant pris de passion pour cet univers forain. Il en va de même pour son attrait pour les personnes "différentes", les exclues ou celles atteintes de difformités. Un thème qu'on retrouve en effet dans bon nombre de ses films. A la lecture du scénario, Irving Thalberg déclarera "J'ai demandé quelque chose d'horrifiant et je l'ai eu". Browning prépare le tournage du film et engage plusieurs "freaks" authentiques, dont les nains Harry Earles et ses deux sœurs Daisy Earles et Tiny Earles (Hans, Frieda et un rôle non crédité au générique), les sœurs siamoises Daisy et Violet Hilton, l'hermaphrodite mi-femme, mi-homme Joséphine Joseph, les microcéphales Schlitze Surtees, Jennie Lee et Elvira Snow, le Prince Radian (l'homme tronc), Lady Olga Roderick (la femme à barbe), Peter Robinson (l'homme squelette), les femmes sans bras Frances O'Connor et Martha Morris, l'extraordinaire homme sans jambe Johnny Eck, la femme oiseau Minnie Woolsey (atteinte du syndrome de Seckel, maladie génétique rare caractérisée par l’association d’un nanisme proportionné avec microcéphalie, dysmorphie faciale dite en tête d’oiseau et retard mental) ou le nain Angelo Rossitto entre autres. Un casting hors norme pour un film hors norme. Le tournage s'avère compliqué car les membres de l'équipe sont effrayés par les freaks, qui doivent loger à l'écart et se voient refuser l'accès à la cantine pour la majorité d'entre-eux. Le sujet même du film n'est pas vu d'un très bon œil par les dirigeants de la MGM mais Irving Thalberg parvient à s'imposer et permet que le film se fasse, ayant une toute confiance en son ami Tod Browning. Au final, le film sera, à l'époque de sa sortie, conspué par les critiques et rejeté par le public. Il est vrai que la nature même du casting ne peut laisser indifférent. Conte souvent cruel (la terrible scène du repas de noces), Freaks est avant tout l'un des plus beaux films sur la peur de l'anormalité et sur l'acceptation de la différence. Il met en exergue l'aspect contradictoire, entre fascination et rejet total, que les gens ressentent lorsqu'ils voient des personnes ne rentrant pas dans la case de la normalité physique. La plus belle scène reste celle dans laquelle madame Tetrallini prend la défense de ses freaks, qui ne font que s'amuser dans un parc, et qui se voient alpaguer par le propriétaire, alerté par son gardien que des "monstres" se sont introduits dans le parc. Heureusement, le propriétaire, prenant conscience que les freaks ne représentent aucun danger, n'agissant que comme des enfants selon les propres termes de madame Tetrallini, acceptera de les laisser utiliser son parc. Une scène vraiment forte en émotion (tout comme celle de l'accouchement de la femme à barbe) et qui nous fait déjà prendre conscience que les "monstres" ne sont pas toujours ceux dont l'apparence s'en rapproche le plus. La méchanceté des gens "normaux" est en effet bien pire que l'aspect étonnant des freaks qui nous sont présentés dans le film. C'est d'ailleurs une des grandes forces de ce film magnifique, de nous faire ressentir tout l'amour et la compassion de Tod Browning envers son casting hors norme. On peut comprendre les réactions du public de l'époque, à qui on présente de vraies personnes, n'ayant aucun maquillage sur le visage, aucune prothèse ou effets spéciaux pour transformer leur apparence. On est loin de Dracula ou de la créature de Frankenstein. La méchanceté de Cleopatra (Olga Baclanova) envers le pauvre Hans conduira cette dernière à subir le code d'honneur des freaks, lors d'une séquence se déroulant en plein orage et qui baigne vraiment dans un climat d'épouvante. Drame bouleversant, conte cruel, fable humaniste, film d'épouvante, Freaks est tout cela et bien plus. C'est un film insolite, inclassable, un véritable classique du cinéma, intemporel et magnifique. La durée assez courte du film (une soixantaine de minutes) a souvent été sujet à discussion, certaines rumeurs parlant d'une version originale de 90 minutes, qui aurait subi les coupes de la MGM. Pour Patrick Brion, éminent spécialiste du cinéma, cette rumeur n'est qu'affabulation, un délire d'interprétation non fondée, comme il l'écrira, en se basant sur le scénario original du film daté du 6 novembre 1931 (le tournage débutera trois jours plus tard), dans son somptueux ouvrage Le Cinéma Fantastique paru aux éditions de La Martinière. Il est vrai par contre que plusieurs fins ont été tournées, ces dernières nous sont présentées dans les bonus de l'édition DVD.
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