RÉPULSION
(Repulsion)
Réalisateur : Roman Polanski
Année : 1965
Scénariste : Roman Polanski, Gérard Brach
Pays : Angleterre
Genre : Drame
Interdiction : -16 ans
Avec : Catherine Deneuve, Ian Hendry, John Fraser, Yvonne Furneaux, Patrick Wymark...
L'HISTOIRE : Carole, une jeune manucure belge, travaille et vit à Londres avec sa sœur Hélène. Introvertie, elle éprouve des problèmes relationnels avec les hommes. Elle repousse Colin, qui la courtise et n'apprécie pas Michael, l'amant de sa sœur. Quand cette dernière part en vacances avec Michael, Carole sombre progressivement dans la névrose. Reclue, elle bascule dans la schizophrénie meurtrière...
MON AVIS : Après de nombreux courts-métrages, Roman Polanski réalise son premier film en 1962 avec Le Couteau dans l'Eau. Trois ans plus tard, il récidive avec Répulsion, qui sera également son premier film tourné en langue anglaise. Le titre même du film s'applique au personnage principal, Carole, jouée par Catherine Deneuve. Un rôle difficile pour l'actrice, qui doit nous faire ressentir sa répulsion des hommes mais aussi ses névroses, sa difficulté à vivre dans la société, ses fantasmes naissants, son mal-être qui la poussera à commettre l'irréparable. Avec très peu de dialogues à son actif, Catherine Deneuve relève haut-la-main le défi et nous livre une très bonne prestation, avec son visage restant constamment renfermé, ses yeux et son regard étant comme absents, vides, son sourire refusant de s'élargir. On ressent réellement la dépression, le mal de vivre de la jeune femme et on assiste tout au long du film à son évolution, ou plutôt à son déclin devrait-on dire, à son repliement sur elle-même, à sa fragilité croissante, à la fissure de son esprit, ce dernier élément étant représenté à l'écran par de véritables fissures apparaissant dans les cloisons de son appartement, figure métaphorique pour nous signifier la fracture de sa santé mentale et sa progression dans la folie. Filmé en noir et blanc, Répulsion est donc un drame psychologique, qui va basculer petit à petit vers une horreur glaciale et froide, sans jamais se montrer démonstratif d'ailleurs. Le film prend son temps pour instaurer son ambiance et on a même l'impression qu'il ne se passe jamais grand chose en fait, ce qui n'est pas faux en plus, mais cela ne joue jamais en sa défaveur. Dans la première partie du film, Polanski nous propose de suivre les journées mornes et sans saveur de Carole, son travail au centre de beauté, sa relation avec sa sœur et l'amant de celle-ci, son désir refoulé vis à vis de Colin, un jeune homme séduisant qui s'intéresse à elle mais à qui elle n'offre aucune chance, à cause de sa répulsion justement. Avec moult détails, qui apparaissent comme anodins au départ, Polanski étoffe son personnage-clé, lui colle des tics qui font sourire le spectateur au début mais qui, en fait, nous font comprendre, inconsciemment, que quelque chose cloche chez Carole. Même si on sent la fragilité psychologique de la jeune femme dès le départ, on ne se doute pas de l'intensité et de la place qu'elle occupe dans ce corps et cet esprit instable. La progression vers le point de non-retour va se déclencher quand Carole se retrouve totalement seule dans l'appartement, suite au départ en vacances de sa sœur avec son amant. Livrée à elle-même, la jeune femme n'a plus personne sur qui se raccrocher, plus personne sur qui compter pour la rassurer et l'empêcher de craquer et de sombrer. Ses fantasmagories vont peu à peu l'assaillir, son refoulement sexuel resurgir et des cauchemars lubriques, dans lesquels elle se fait violer par un inconnu, vont se faire de plus en plus présents. Certaines scènes sont superbes, comme "le couloir des mains" très perturbant. L'ambiance sonore, parfois réduite au minimum, contribue pourtant à nous faire entrer dans la psyché du personnage : gouttes d'eau, rires des bonnes-sœurs qui jouent sous la fenêtre de l'appartement, tic-tac de l'horloge, sonnerie de téléphone sont autant de petits éléments sonores qui vont perturber le quotidien de Carole. Point fort du film, outre la prestation de Catherine Deneuve dans un rôle bien éloigné de ce qu'elle fera par la suite, la caméra de Roman Polanski qui épouse le visage de l'actrice, la colle au plus près, l'enferme dans le cadre de l'objectif, tout comme sa schizophrénie naissante l'enferme dans son esprit. Les deux scènes de meurtres sont filmées sans complaisance, de manière abrupte, clinique, sans céder au débordement gore. Quelques taches de sang, la vision de Deneuve, l'air hagard, frappant et frappant encore à l'aide d'un chandelier sa première victime ou lacérant à coup de rasoir la seconde, suffissent pour créer le malaise. Un malaise qui ira crescendo, mis en exergue par l'intérieur même de l'appartement, devenu une prison mentale pour Carole, qui, à l'image du lapin pourrissant, décrépit elle aussi lentement, inexorablement. La cause de son drame intérieur, de sa répulsion envers le sexe masculin, ne se trouverait-elle pas dans la dernière image du film, avec cette photo de famille dans laquelle Carole, alors une toute jeune enfant, a déjà un visage qui ne respire pas la joie de vivre et qui semble regarder son père ? Une blessure interne, un mal profond, insidieux, certainement provoqué par un abus illégitime, serait donc le véritable point de départ de la dépression de Carole, c'est ce que semble en tout cas indiquer cette photographie. Totalement maîtrisé, jouant admirablement bien sur les éclairages et les ombres, visuellement splendide, Répulsion est une plongée vertigineuse dans l'âme torturée de son héroïne, qui contient déjà les éléments du cinéma de Polanski, qu'il exploitera encore plus avant dans ses films suivants, notamment Le Locataire ou Rosemary's Baby entre autres. Répulsion a remporté l'Ours d'Argent au festival de Berlin 1965.
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