JUMBO
(Jumbo)
Réalisateur : Zoé Wittock
Année : 2020
Scénariste : Zoé Wittock
Pays : France, Belgique, Luxembourg
Genre : Insolite, Drame, Romance, Fantastique
Interdiction : /
Avec : Noémie Merlant, Emmanuelle Bercot, Bastien Bouillon, Sam Louwyck...
L'HISTOIRE : Jeanne, une jeune femme timide, travaille comme gardienne de nuit dans un parc d’attraction. Elle vit une relation fusionnelle avec sa mère, l’extravertie Margarette, qui aimerait bien dévergonder sa fille et la faire sortir de sa coquille et de son enfermement. Passionné par les manèges, Jeanne va développer d’étranges sentiments envers Jumbo, l’attraction phare du parc...
MON AVIS : C'est en lisant le livre La Nouvelle vague du cinéma de genre en France, ouvrage consacré aux nouveaux talents français dans le cinéma de genre et rédigé par Melanie Boissonneau, David Maurice et Ethan Dahan, que j'ai découvert la réalisatrice Zoé Wittock et son film intrigant baptisé Jumbo. D'origine Belge, Zoé Wittock a lu une histoire incroyable durant ses études aux Etats-Unis, celle d'Erika Eiffel, une américaine connue pour s'être mariée en 2007 avec... la tour Eiffel ! La passion, voire l'amour ressenti par certaines personnes pour des objets inanimés s'appelle l'Objectophilie. Ces cas de figure atypique proviennent vraisemblablement suite à des traumas d'enfance ou liés à des maladies comme l'autisme. Les personnes développent une sensibilité extrême vis à vis des objets. Une thématique des plus insolites qui a tout de suite intéressé la réalisatrice et qui en a donc fait le sujet de son premier film, préférant mettre en avant l'aspect émotionnel de cette curieuse relation plutôt que son aspect médical. Si le décor de la fête foraine était présent dès le départ dans l'esprit de Zoé Wittock, son héroïne devait tomber amoureuse de sa voiture. Pas assez extravagant pour susciter un réel intérêt. La voiture est donc mise de côté au profit d'une attraction de fête foraine, à savoir le manège Move It, que l'héroïne va rebaptiser Jumbo. Pour interpréter Jeanne, c'est l'actrice Noémie Merlant qui est retenu après des mois de casting. Un choix payant tant elle parvient à provoquer des émotions chez le public et à rendre crédible cette romance hors-norme. Par ses expressions de visage, sa gestuelle, Noémie s'impose sans difficulté dans ce rôle complexe et difficile, nous faisant parfaitement ressentir son attirance pour cette machine de métal et surtout, elle nous émeut face aux problèmes qui vont découler de cette relation différente, qui ne sera pas comprise par sa mère et qui l'entraînera vers un renfermement encore plus profond. Dès le départ, on perçoit une vraie fragilité psychologique chez Jeanne, une vraie timidité maladive, qui l'éloigne d'une vie traditionnelle d'adolescente. Jeanne ne sait pas quoi faire de son corps, n'a jamais eu de petit ami, est moquée par une bande d'ados effrontés et vit avec une mère qui est son antithèse totale, cette dernière étant extravertie, n'hésitant pas à multiplier les relations sans lendemain, à parler crûment à sa fille pour la décoincer. Elle s'immisce même dans sa vie affective, tentant de la caser avec Marc, le patron de la fête foraine qui ressent une attirance envers sa fille. Peine perdue. Jeanne vit dans son monde, dans son univers fait de maquettes de manèges qu'elle conçoit elle-même. Son premier soir en tant que gardienne de nuit va chambouler sa morne existence, où manque la figure paternel en tant que repère. En nettoyant l'attraction Move It, Jeanne va ressentir quelque chose qu'elle n'a jamais perçu avec un être humain. C'est le début de cette relation antinomique qui va permettre à Zoé Wittock de faire intervenir le fantastique dans son histoire. Certes, on peut se demander si les événements qui vont suivre ne sont pas uniquement présents dans l'esprit fragilisé de l'héroïne. Toujours est-il que plus Jeanne prend soin de Move It, qu'elle préfère appeler Jumbo, plus l'attraction se met à réagir, comme si elle ressentait à travers ses parois de métal l'amour que lui porte Jeanne. Débute alors des scènes insolites durant lesquelles Jeanne parle à Jumbo et cette dernière lui répond grâce aux ampoules de couleur qui la parsèment. De jolis effets visuels qui donnent une touche réellement poétique au film et qui réussissent à rendre touchante cette relation, sans jamais qu'on soit pris d'une envie de s'en moquer ou d'en rire. C'est d'ailleurs la grande force de Jumbo, de traiter ce sujet atypique avec passion, sincérité et sérieux, sans transformer le film en nanar rigolo. Les personnages y croient et nous aussi, ce qui n'était pas forcément gagné au départ. La séquence avec l'huile noire sur un fond totalement immaculé est superbe, tout comme celle dans laquelle on comprend que le manège pleure et laisse couler son huile telles des larmes de sang. Esthétiquement, Jumbo est un très beau film et il donne à réfléchir en plus. Car en filigrane, Zoé Wittock nous parle du droit à la différence, du droit d'aimer quelqu'un ou quelque chose qui n'entre pas dans la norme. Avec sensibilité, avec une certaine retenue aussi, avec beaucoup de poésie et de singularité, avec une imagerie qui lui confère une réelle touche onirique, Jumbo est un film à part dans le paysage du cinéma fantastique français. Certes, on est loin du pur cinéma Bis décomplexé, on ne peut nier que le film a une approche un peu auteurisante mais cette dernière ne prend jamais le pas sur l'émotion distillée et n'est jamais pompeuse. Une première oeuvre intrigante et audacieuse en tout cas. Les objets inanimés ont-ils une âme ? Jumbo vous donnera peut-être la réponse !
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