AVOIR VINGT ANS
(Avere Vent'Anni / To be Twenty)
Réalisateur : Fernando di Leo
Année : 1978
Scénariste : Fernando di Leo
Pays : Italie
Interdiction : -16 ans
Genre : Comédie / Drame
Avec : Gloria Guida, Lilli Carati, Ray Lovelock, Vincenzo Crocitti, Vittorio Caprioli...
L'HISTOIRE : Afin de profiter pleinement de ses vingt ans, la jolie Lia décide de se rendre dans la communauté hippie tenue par un certain Nazariota, à Rome. En chemin, elle rencontre Tina, autre jeune fille désirant profiter de la vie un maximum. Les deux nouvelles copines se mettent en quête de la communauté. La découverte de cette dernière va vite transformer leurs rêves en désillusions…
MON AVIS : "Avoir vingt ans. Je ne laisserai jamais personne dire que c’est le plus bel âge de la vie". Cette citation, extraite du livre de Paul Nizan Aden Arabia, ouvre le film de Fernando di Leo et une fois celui-ci terminé, on se dira qu’elle a été plutôt bien choisie. Ce réalisateur, scénariste et acteur est bien connu des amateurs de polars urbains à l’italienne puisque c'est lui qui a réalisé plusieurs perles dans ce genre, comme Milan Calibre 9, Le Boss, Salut les pourris et d’autres encore, films dans lesquels il laisse éclater son style, à la fois nerveux et cruel. Comme la plupart de ses confrères, Fernando di Leo s’illustre également dans différents genres du cinéma Bis, comme le film de guerre (Roses rouges pour le Fuhrer), le film d’épouvante croisé avec le giallo (Les insatisfaites poupées érotiques du Dr Hitchcock), le film érotique (Brucia ragazzo brucia). A chaque fois, sa générosité à traiter le sujet choisi, en allant au bout de ses idées, quitte à choquer les mœurs bien pensantes, fait mouche. Fernando di Leo aime transgresser les règles, les codes et cela transparaît nettement dans sa filmographie. En 1978, il place beaucoup d’espoir dans son nouveau film, Avere vent’anni, dont il a écrit également le scénario, et qui débute comme une sexy comédie, autre genre prépondérant dans la production italienne des années 70, pour se clôturer dans un final apocalyptique et surtout totalement imprévu, qui choque à la fois les censeurs, les distributeurs, les exploitants de salle et le public. Ce final provoquera un véritable scandale et entraînera un fiasco total pour le film qui est retiré de l’affiche, censuré, remonté dans le dos de Fernando di Leo, pour se voir réapparaître dans les salles dans une nouvelle version, plus courte d’au moins dix minutes, avec plusieurs scènes raccourcies, coupées, placées dans un autre ordre, principalement des séquences érotiques, et surtout, sans ce fameux final qui donne tout l’intérêt au film. De l’avis de Fernando di Leo, Avere vent’anni n’est pas un très bon film, le réalisateur considérant qu’il est passé à côté de son sujet. Pourtant, malgré quelques défauts assez sommaires effectivement (jeu d’acteurs parfois approximatif, scène du commissariat un peu longue et pas spécialement intéressante vers la fin…), sa vision est plutôt agréable et son twist final, qui intervient sans jamais qu’on s’y attende, fait sombrer cette sympathique comédie polissonne dans une brutalité et une noirceur assez corsées. Le film débute pourtant mal car totalement invraisemblable ! Honnêtement, vous trouvez ça rationnel de voir Gloria Guida et Lilli Carati faire de l'auto-stop sans que personne ne s'arrêt vous ? Pas très crédible tout ça ! Allez, trêve de plaisanterie et reprenons notre sérieux. Comme dit un peu plus haut, Avere vent’anni peut être vu avant tout une comédie sexy retraçant le parcours de deux jeunes filles qui se lancent à corps et à cris dans la vie, pour profiter de tous les instants présents et goûter à toutes les joies qui leur seront offertes. Pour interpréter ces deux filles débrouillardes et peu farouches, Fernando di Leo a la très bonne idée d’engager deux spécialistes des sexy comédies, à savoir la brune et insolente Lilli Carati et la blonde affriolante Gloria Guida. Nul doute que le physique, souvent dévêtu, de ces deux créatures de rêves saura combler les amateurs de jolies filles ! Des jolies filles qui n’ont pas froid aux yeux, n’hésitant pas à voler dans les magasins ou à faire du charme aux vendeurs quand elles n’ont plus d’argent. On notera néanmoins que Fernando di Leo n’a pas doté nos deux belles de la même attitude. Lia, interprétée par Gloria Guida, est en effet plus effacée, plus sensible, plus douce et plus réservée que la volcanique Tina, jouée par Lilli Carati, qui pour sa part, veut vivre toutes ses aventures et rencontres à fond, désirant multiplier les expériences sexuelles avec des garçons de passage. Nos deux jeunes insouciantes ne se doutent pas que la vie n’est parfois pas toute rose et elles ne s’attendent pas aux désillusions qui vont venir les frapper de plein fouet, ce qui se traduira pendant plus d’une heure de film par des situations cocasses et drôles, comme lorsque le chef de la communauté leur demande un loyer car de nos jours, leur explique-t-il, faire vivre une communauté coûte de l’argent, ce qui provoque une colère noire de Tina, qui ira de surprise en surprise. Voyant de nombreux garçons dans la communauté, elle se dit que son désir sexuel va pouvoir être satisfait mais malheureusement pour elle, la gente masculine est totalement sous l’effet de la drogue et préfère passer son temps à dormir ou rêvasser plutôt que de s’occuper d’elle. Du comique de situation qui fait sourire, malgré une réelle impression de désespoir qui s'installe petit à petit dans l'atmosphère. Qui dit sexy comédie dit bien sur érotisme et le film n’en est pas avare, même si tout ça reste bien soft, mais pas désagréable, notamment quand c’est la superbe Gloria Guida qui se retrouve dans le plus simple appareil ou lorsqu’elle décide d’initier sa copine Tina à l’amour saphique, ce qui nous vaudra à nouveau une scène assez marrante puisque nos deux demoiselles vont faire ça devant un homme qui a toujours le visage maquillé de blanc et qui passe son temps dans la méditation et la prière. Sa concentration sera néanmoins mise à rude épreuve dans cette séquence et malgré sa foi en Dieu, il ne pourra résister à jeter quelques coup d’œil sur le sensuel ébat qui se déroule devant lui. Très érotique et très amusante également, la séquence où Tina se rend chez un professeur pour lui vendre une encyclopédie et qu’elle la joue femme fatale, chauffant ce pauvre monsieur de la plus impudique des façons avant de lui faire prendre une douche froide dont il se rappellera ! A travers ces différentes séquences nous montrant l’insouciance et le naturel de ces jeunes filles, qui ne font rien de mal en fait et ne pensent qu’à s’amuser, on peut se demander si Fernando di Leo ne dresserait un constat amer sur la jeunesse décadente, qui, sous prétexte de la jeunesse justement, s’autorise tous les excès, tous les comportements, quitte à franchir les limites du respectable. Fernando di Leo moralisateur ?? On a un peu de mal à le penser et pourtant, le destin tragique qu’il réserve à ses deux héroïnes pourrait le faire croire. En effet, Lia et Tina, réalisant que la liberté promise en venant s’installer dans la communauté n’est en fait qu’illusoire, et après une intervention de la police les obligeant à quitter cet étrange repaire, vont se retrouver dans un bar, et, avec toute la fraîcheur et l’insouciance qui les caractérisent, vont se mettre à danser de façon provocante, n’hésitant pas à s’embrasser même, devant une foule d’hommes qui n’en demandaient pas tant. Les hormones mâles se mettant en action, mais comment leur en vouloir devant les gestes et postures de nos deux belles, la situation se dégrade rapidement, obligeant à nouveau Lia et Tina à quitter ce refuge passager, ne comprenant pas la réaction de ces messieurs, alors qu’elles avaient un comportement pour le moins provocant. Vraiment ? Ne seraient-ce pas les codes de la morale et le retour de la pudibonderie post-années 60 qui ont rendu leur danse provocante et fait naître de fausses illusions dans les esprits masculins ? Ne serait-ce pas le retour en force d'une société patriarcale, machiste, qui nous fait voir d'un mauvais œil le simple fait de danser ? Di Leo, qui a d'ailleurs été accusé de machisme par les détracteurs du film, a pourtant bien mis en avant le côté pro-féministe du film dans la longue séquence avec le réalisateur de documentaire. Ce dernier demande à Lia et Tina de raconter leur vie devant la caméra, le pourquoi de leur émancipation familiale avant de faire lire à trois autres filles un texte ouvertement pro-féministe, qui rabaisse les hommes à leur condition de simples machos en puissance. En cela, Avoir Vingt Ans se montre bien plus fin qu'on ne voudrait le croire et le film possède plusieurs niveaux de lecture, qui n'apparaissent pas forcément à la première vision. Toujours est-il que les hommes présents dans l'auberge, provoqués puis repoussés, ne vont pas s’en tenir là et sous l’impulsion de leur chef, un type avec une gueule patibulaire, ils vont aller retrouver Lia et Tina dans le bois avoisinant afin de leur réserver un sort auquel on ne s’attendait pas du tout et qui réserve une séquence choc, révoltante, abjecte. Le discours du chef, rappelant que les deux filles ont excité ses hommes pour ensuite ne rien leur proposer en retour, est assez éloquent et renforce cet aspect machiste. Si le comportement des deux filles n’avaient pas été source de malentendu, elles seraient encore en vie. On se retrouve avec une morale un peu douteuse, qui tend à justifier le meurtre de deux adolescentes de 20 ans qui voulaient seulement profiter de la vie. Un final qui ne dure que cinq ou six minutes en tout et pour tout, mais qui fait l’effet d’un électrochoc et nous laisse plutôt abasourdi devant notre écran, tant on ne s’y attendait pas. La sexy comédie polissonne se transforme en cinq minutes en un drame horrifique et terriblement nihiliste. Un tel contraste avec tout ce qui a précédé ne peut que marquer les esprits et on comprend la stupeur qui s’est emparée des spectateurs venus uniquement zieuter les courbes et les charmes de Lilli Carati et Gloria Guida. Le plan final laisse un goût amer dans la bouche. Et on se rappelle alors la phrase d’introduction, prophétique : "Avoir vingt ans. Je ne laisserai jamais personne dire que c’est le plus bel âge de la vie". La boucle est bouclée et de quelle manière !
* Disponible en combo DVD + BR chez -> ARTUS FILMS <-
Superbe édition présentée dans un digipack deux volets sous fourreau. Charcutée et mutilée, Avoir Vingt Ans n'a été qu'assez récemment remasterisé et présenté dans sa version d'origine, qui a du être reconstruite. Cela explique les différences présentes au niveau de la qualité d'image durant le film, qui change de temps à autre, passant d'une définition proche du Blu-Ray à celle d'une image plus DVD lors de certains plans. Pas de quoi bouder son plaisir pour autant, il n'y a rien de vraiment gênant ici et de toute manière, c'est la seule façon de voir le film dans son intégralité et uniquement en VOSTF. Parmi les bonus, on trouve Emmanuel Le Gagne qui nous présente le film durant 15 minutes, un diaporama d'affiches et de photos et surtout, la version coupée et remontée, qui ne sert strictement à rien évidemment sauf à voir les dégâts que des imbéciles peuvent faire subir à une oeuvre. Des scènes ont été placées ou intégrées à des places différentes, d'autres ont été purement et simplement retirées ou coupées. Et d'autres sont absentes de la version intégrale par contre ! Un véritable carnage, qui mérite d'être visionné juste après le montage intégral pour voir ces aberrations. On appréciera également que le menu du disque propose, en intégralité, la chanson Avere vent'anni, avec un texte écrit par Fernando di Leo et Silvano Spadaccino, et chantée par Gloria Guida elle-même, là où les menus traditionnels se contentent de mettre un extrait musical qui tourne en boucle ! Superbe initiative !
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