CÉRÉMONIE SECRÈTE
(Secret Ceremony)
Réalisateur : Joseph Losey
Année : 1968
Scénariste : George Tabori
Pays : Angleterre
Genre : Drame
Interdiction : -12 ans
Avec : Elizabeth Taylor, Robert Mitchum, Mia Farrow, Peggy Ashcroft, Pamela Brown...
L'HISTOIRE : Leonora, une prostituée endeuillée, se recueille sur la tombe de sa fille, quand elle est prise à partie par Cenci, riche héritière d'une vingtaine d'années, orpheline, qui l’invite dans son immense demeure. Elle semble la prendre pour sa mère, supposée morte il y a plusieurs années. Alors qu’Albert, l’inquiétant beau-père de la jeune fille, rôde autour de la maison, une relation étrange s’installe entre les deux femmes...
MON AVIS : Adaptation d'une courte nouvelle écrite par Marco Denevi, Cérémonie Secrète est l'oeuvre de Joseph Losey, célèbre réalisateur qui trouve ici un terrain propice pour magnifier sa mise en scène. Film assez déroutant, à l'ambiance insidieuse et malsaine, Cérémonie Secrète est un drame intimiste et névrosé, qui a la particularité d'utiliser à contre-emploi des stars qu'on ne présente plus, à l'instar d'Elizabeth Taylor et de Robert Mitchum. La belle actrice de La Chatte sur un toit brûlant ou de Cléopâtre interprète ici une prostituée sans le sou, qui galère dans la vie et qui vit un deuil difficile, ayant perdu sa petite fille, qui s'est noyée faute d'inattention. Sa rencontre avec Mia Farrow, troisième personnage-clé de ce quasi huis-clos, va venir changer la donne. Robert Mitchum, inégalable dans le rôle du pasteur psychopathe dans La Nuit du Chasseur, joue quant à lui le beau-père de Mia Farrow, un personnage glauque et détestable, qui n'hésite pas à se déclarer ouvertement pédophile et qui a entretenu des rapports incestueux avec sa belle-fille, qui souffre elle aussi d'une personnalité trouble et régressive, suite à la disparition de sa mère. Un trio dépressif, que Losey va sublimer à travers cette histoire étouffante, qui permet aux trois acteurs, mais plus principalement aux deux actrices, de nous offrir de splendides rôles de composition et une interprétation sans faille, le tout dans une atmosphère de folie maladive qui ne prête pas à sourire. L'affiche française du film mentionne Mia Farrow plus inquiétante que dans Rosemary's Baby et on ne peut pas lui donner tort. L'actrice campe dans le film de Losey Cenci, un personnage bien différent de celui qu'elle a interprété dans le chef-d'oeuvre de Roman Polanski. Dans Cérémonie Secrète, elle se montre réellement déstabilisante, en femme-enfant qui s'est justement arrêtée de grandir suite au départ de sa mère, qui l'a laissée orpheline. Son comportement, sa façon d'agir, provoque un réel questionnement chez le spectateur, mais aussi un sentiment de malaise, notamment quand le sujet porte sur la sexualité ou sur les rapports incestueux qu'elle a subit avec son beau-père. Même si elle agit parfois en adulte de 22 ans, c'est bel et bien le côté petite fille qui prend le dessus la plupart du temps et on comprend assez rapidement que ce cas relève de la psychiatrie et qu'il faudrait qu'elle consulte un médecin pour se sortir de cette fracture psychologique qui l'habite. De nombreuses scènes marquent les esprits tant on aimerait lui venir en aide. Le fait qu'elle considère le personnage de Leonora, joué par Elizabeth Taylor, comme un substitut de sa mère, de par sa ressemblance avec cette dernière, amplifie encore le côté névrotique de sa personnalité. On se demande sans cesse si elle a conscience que ce n'est pas sa mère ou si elle croit vraiment que c'est elle, jouant à un jeu dangereux pour son équilibre mental tant la disparition de sa génitrice l'accable et la rend triste. Il en va de même pour Elizabeth Taylor d'ailleurs, mais dans le sens inverse. Dans le cas de cette dernière, elle débute par tirer profit de cette situation, surtout quand elle voit l'appartement luxueux qu'habite Cenci. Fini la galère dans la rue et place à une vie de rêve, au chaud, avec de jolies toilettes qu'elle peut emprunter à la mère disparue de sa bienfaitrice. Un comportement qu'on peut trouver répréhensible bien sûr, puisqu'elle profite de la vulnérabilité de son hôte. Mais plus le temps passe, plus la relation entre les deux femmes va devenir fusionnelle, la perte de sa fille par noyade faisant que Leonora va elle aussi substituer cette dernière par Cenci, retrouvant une nouvelle enfant à aimer et à s'occuper. On le voit, cette relation n'est pas normale, et va entraîner les deux héroïnes du film dans un univers de mensonges, de psychoses, de perversions. Aucun protagoniste ne peut tirer l'autre vers le haut. On ne comptera pas sur le beau-père (Mitchum donc), toujours sous l'emprise de la sensualité dégagée par sa belle-fille. Ses discours laissent un arrière-goût amère dans la gorge, comme lorsqu'il prétend que c'est grâce à lui que Cenci est devenue un peu plus femme et que sans lui, elle porterait encore une couche. Shocking ! Ne comptons pas non plus sur les deux tantes de Cenci, qui ne pensent qu'à voler des objets précieux quand elles viennent lui rendre visite. Il n'y a jamais de leur d'espoir dans Cérémonie Secrète. Et Losey parvient fort bien à créer cette impression de fatalité, de solitude totale qui égrène chaque jour un peu plus ses personnages, grâce à ses décors, grâce à tous les objets qu'il filme (les boites à musique) et grâce à sa mise en scène. A ce titre, tout le début du film est saisissant, quasiment muet, et nous imprègne d'entrée de jeu de ce climat opaque, suffocant. C'est un brillant exercice de style et de jeu d'acteurs en tout cas que ce Cérémonie Secrète. Pour Joseph Losey, ce film est un poème. Un poème terrifiant, mais un poème tout de même.
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