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samedi 26 octobre 2019

LA CLEPSYDRE

LA CLEPSYDRE
(Sanatorium pod Klepsydra)

Réalisateur : Wojciech Has
Année : 1973
Scénariste : Wojciech Has
Pays : Pologne
Genre : Fantastique
Interdiction : -12 ans
Avec : Jan Nowicki, Tadeusz Kondrat, Irena Orska, Gustaw Holoubek...


L'HISTOIRE : Joseph vient voir son père, très malade, dans un sanatorium, mais l'établissement médical que Joseph découvre est un vaste palais lugubre, rongé par la vermine et tapissé de toiles d'araignées, où le temps et l'espace sont comme pris dans un vertigineux tourbillon. Le Dr. Gotard lui explique que le temps y a été comme retardé. Ne comprenant rien à ce discours, Joseph s'aventure dans la vaste demeure à la recherche de son père et voit son double à travers une fenêtre...

MON AVIS : Le cinéma fantastique n'est pas seulement l'apanage des Etats-Unis, de l'Angleterre ou de l'Italie. Cinéma de tous les possibles, de tous les délires, brisant tous les carcans imposés à d'autres genres cinématographiques, le cinéma fantastique est une porte ouverte sur l'imaginaire le plus absolu et des réalisateurs de tous pays, de toutes situations géographiques, s'y sont aventurés pour offrir aux spectateurs un moment d'évasion libérateur. Si les trois pays précités tiennent évidemment la dragée haute en terme de nombre de films fantastiques produits depuis les œuvres intemporelles de Méliès, surtout si on prend le terme "fantastique" comme étant le terme général de tous les sous-genres de ce genre (horreur, science-fiction, épouvante, gore, heroic fantasy et j'en passe), il serait bien réducteur de ne s'intéresser qu'aux dites productions de ces trois pays, ce qui nous ferait rater un nombre de films conséquents et passer à côté de réalisateurs iconiques ou qui ont mis en scène des œuvres majeures du genre, je citerai simplement à titre d'exemple le cinéaste brésilien José Mojica Marins qui possède une filmographie assez incroyable et qu'il serait fort dommage de ne pas connaître. Le film qui nous intéresse ici, à savoir La Clepsydre, nous vient quant à lui de Pologne. Il a été réalisé par Wojciech Has, cinéaste totalement atypique, même dans son pays. Il  n'a jamais pris une carte du parti communiste et a toujours refusé de parler de la politique ou des événements tragiques s'étant déroulés dans son pays dans ses films, préférant s'immerger dans un cinéma onirique, poétique voir surréaliste. L'un de ses thèmes de prédilection est la place de l'être humain au sein de la réalité. Après avoir réalisé des drames assez intimistes au début de sa carrière, il frappe un grand coup en 1965 avec Le Manuscrit trouvé à Saragosse, film inclassable d'une durée originale de 182 minutes qui propulse le spectateur dans un monde fait de rêves et de fantasmes, à la structure narrative assez complexe. Complexe, La Clepsydre, réalisé en 1973, ne l'est pas moins. Adaptation de plusieurs nouvelles de l'écrivain Bruno Schulz, dont Le Sanatorium au croque-mort et Les Boutiques de cannelle, La Clepsydre reçut le prix du Jury au Festival de Cannes en 1973, malgré un accueil critique et public plus que mitigé. Il faut avouer que la vision de La Clepsydre n'est pas chose aisée. Le public habitué à des scénarios linéaires, compréhensibles par n'importe qui, avec un début, un milieu et une fin, en sera pour ses frais avec le film de Wojciech Has. Même les plus ardus défenseurs du cinéma fantastique seront assurément déstabilisés par cette oeuvre hors du commun, qui peut en laisser plus d'un sur le carreau. La Clepsdyre n'est pas un film facile à domestiquer et vous risquez d'être vraiment perdus dans ce dédale labyrinthique qui, pourtant, fourmille d'idées et possède une vraie structure. C'est assurément un film qui mérite plusieurs visions pour en saisir tous les aspects. Je ne saurais que trop vous conseiller, pour une première découverte, d'oublier tous vos repères et de vous contenter de vous laissez bercer par ce merveilleux livre d'images, afin de vivre pleinement cette expérience autant visuelle que sensitive. Car même si vous aurez peut-être (sûrement) l'impression de ne pas comprendre grand chose à l'histoire en elle-même, véritable allégorie sur le thème du temps (principalement mais pas que...), celui qui passe, celui qui efface les souvenirs, celui qui mène à la mort, celui qu'on peut reculer (le sanatorium du docteur Gotard possède ce pouvoir !), il est par contre absolument impossible de ne pas être en extase absolue devant la magnificence des images proposées par un réalisateur en état de grâce. Artistiquement et visuellement, La Clepsydre est peut-être l'un des plus beaux films que j'ai eu l'occasion de voir, rien que ça ! Le travail sur les nombreux décors, le souci du moindre détail, la place de chaque objet, le choix des couleurs, des teintes, des costumes, tout confine au sublime et chaque scène devient un tableau de maître, qui prend vie devant nos yeux ébahis de tant de beauté, d'originalité et d'inventivité. On est totalement hypnotisé par le travail plus que minutieux réalisé par l'équipe du chef décorateur, on est transcendé par la mise en scène fluide et magistrale de Wojciech Has qui nous prend par la main, nous berce, nous emporte avec elle dans un monde onirique de haute volée, aux ramifications incroyables ! Se faufiler sous un simple lit propulse le personnage principal dans des mondes fantasmatiques aussi différents les uns que les autres : grenier bric-à-brac, cimetière, rues bondées d'une population éclectique, hall abandonné où sont entreposés des mannequins de cire et autres endroits étonnants attendent le spectateur qui acceptera de prendre part à ce voyage initiatique en laissant derrière lui ses attentes et sa rationalité. Le réel ne semble pas exister dans La Clepsydre, on voyage aux confins de l'inconscient, les notions de temps et d'espace sont bafouées, bouleversées, contournées, pour mieux surprendre (et perdre) le spectateur, hagard devant tant d'informations qu'il a bien du mal à assembler, à entremêler pour en créer un fil conducteur à même de lui fournir des éléments de réponse sur ce qu'il est en train de voir sur son écran. Labyrinthe inextricable entre plusieurs mondes, La Clepsydre est parsemé de visions foudroyantes, de personnages disparates, d'oiseaux de Paradis, de juifs dansants, de femmes plantureuses, de contrôleur de train étrange, de soldats noirs, de mannequins de cire vivants, d'éléphants et de chameaux, de Rois Mages, qui virevoltent au gré des saisons, avec cohérence ou incohérence, avec logique ou illogisme, où la jeunesse côtoie la vieillesse, où l'enfance est revécue à travers des objets ou des personnages, où les souvenirs tentent d'éclipser la réalité de la mort, avec, au final, un seul gagnant : le temps. Comme dit plus haut, il est inutile de chercher la logique ou de tenter de comprendre La Clepsydre lors d'une première vision. Il faut juste s'abandonner tout entier à la puissance évocatrice de ses images, de ses séquences, qui évoquent à la fois Fellini, Jodorowski, Lynch, Bunuel ou Visconti. Une fois passée le choc de la découverte, alors seulement le travail de compréhension peut débuter. La lecture des deux analyses du film présentes dans le livret mis à disposition dans l'édition DVD s'avère des plus intéressantes et nous donnent de solides pistes et grilles de lecture pour comprendre ce qu'on n'a pas saisi. Nourri de ces analyses, il ne reste plus au spectateur qu'à se replonger dans La Clepsydre, il ne reste plus au spectateur qu'à reculer lui aussi le temps, comme s'il était prisonnier lui-même du sanatorium du docteur Gotard, et de se relancer dans une nouvelle vision de ce petit bijou qui s'avère un incontournable du cinéma fantastique et onirique. 

* Disponible en DVD chez l'éditeur MALAVIDA FILMS dès le 6 novembre, avec une image restaurée absolument magnifique, permettant de bénéficier pleinement de la maestria visuelle du film, uniquement présenté en VOSTF.

 
       

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