CAPE ET POIGNARD
(Cloak and Dagger)
Réalisateur : Fritz Lang
Année : 1946
Scénariste : Albert Maltz, Ring Lardner Jr.
Pays : Etats-Unis
Genre : Espionnage, Romance
Interdiction : /
Avec : Gary Cooper, Robert Alda, Lilli Palmer, Vladimir Sokoloff, Marjorie Hoshelle...
L'HISTOIRE : Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, le professeur Alvah Jesper, expert en fission nucléaire, est approché par l'OSS, le service de renseignements secrets américains, pour devenir un espion afin de rentrer en contact avec une de ses collègues, la scientifique allemande Katerin Lodor et obtenir d'elle des informations sur l'avancée des travaux des nazis en ce qui concerne la bombe atomique. Jesper accepte et se rend en Suisse sous une fausse identité. Faisant ses premières armes dans ce milieu de l'espionnage qui lui est encore inconnu, il est rapidement démasqué par la Gestapo et sa première mission est un cuisant échec, qui entraîne le kidnapping du docteur Lodor par les nazis...
MON AVIS : Réalisateur autrichien ayant pris la nationalité allemande suite à son mariage, Fritz Lang est considéré, à juste titre, comme l'un des génies du Septième Art, auteur d’œuvres mythiques telles Les Nibelungen, Docteur Mabuse et ses suites, Metropolis, M le Maudit, Furie, Les Contrebandiers de Moonfleet, Règlement de comptes ou Le Tigre du Bengale et sa suite Le Tombeau Hindou entre autres. Fritz Lang s'est illustré avec brio dans divers genres, de la science-fiction à l'héroic fantasy, du western au film noir en passant par le film d'aventure. Il décide de fuir l'Allemagne et la montée du nazisme dès 1933 pour s'installer à Paris puis s'exile aux Etats-Unis, comme bon nombre de ses compatriotes cinéastes à cette époque trouble de l'Histoire. Au début des années 40, Fritz Lang va réaliser quatre films anti-nazis : Chasse à l'Homme (1941), Les Bourreaux meurent aussi (1943), Espions sur la Tamise (1944) et ce Cape et Poignard de 1946 que je n'avais pas encore vu. Un oubli réparé grâce à l'éditeur Rimini Editions qui le propose désormais en DVD et BR. Et c'est une très belle découverte pour ma part que ce film d'espionnage classieux, mettant en vedette un charismatique Gary Cooper, tout en retenu et qui transcende chaque séquence dans lequel il apparaît. La star du Train Sifflera Trois fois se montre totalement à son aise dans Cape et Poignard, interprétant un scientifique devenant espion pour le gouvernement américain et devant enquêter sur la terrifiante idée que les nazis travaillent à concevoir l'arme atomique. Son personnage est d'une belle crédibilité et Lang l'a doté de réflexion intéressante, comme lorsqu'il dira regretter pour la première fois de faire partie des scientifiques, ses confrères travaillant ensemble pour la première fois mais pas pour mettre leur cerveau au profit du combat contre des maladies comme le cancer mais pour fabriquer un outil de destruction massive. Les deux facettes des avancées technologiques sont exposées de façon directe et l'interprétation de Gary Cooper est ici des plus convaincantes. Une fois Cooper engagé en tant qu'agent secret, Cape et Poignard va s'avérer un pur film d'espionnage dans la grande tradition du genre, avec des dangers toujours plus proches de notre héros en devenir. J'en veux pour exemple les agents de la Gestapo, qui peuvent prendre différentes formes, comme cet homme à l'air sympathique accoudé à un bar, ce photographe qui immortalise l'arrivée des passagers débarquant à l'aéroport ou cette séduisante femme brune accompagnée de son petit chien (la jolie Marjorie Hoshelle, qui a des airs de Linda Darnell) entre autres. N'ayant pas la finesse ou la dextérité à voir les menaces potentielles du fait de son innocence dans le métier d'espion, le personnage joué par Gary Cooper va vite se rendre compte que le métier d'agent secret n'est pas de tout repos et que la moindre erreur, le moindre faux pas, peut vite se révéler fatals, que ce soit pour lui, la mission ou ses associés. Cette notion de fatalité est d'ailleurs prédominante dans Cape et Poignard. Gary Cooper n'est pas James Bond : il tente de faire pour le mieux mais il commet de nombreuses erreurs qui vont fortement compromettre ses missions et l'empêcher la plupart du temps à remplir ses objectifs. C'est l'un des principaux intérêts du film de Lang, à savoir faire du héros un homme sensible, peu sûr de lui, agissant parfois en novice (ce qu'il est) malgré toute sa bonne volonté. Un portrait bien écrit de héros anti-héros en somme, et très éloigné des archétypes classique des espions qu'on a l'habitude de voir dans ce genre de productions. Voyant que le héros va de désillusions en désillusions, le spectateur s'attache à lui et frisonne à ses côtés, notamment quand des personnages louches sont dans les parages ou quand un petit chat vient jouer les terreurs nocturnes et s'avérera, sans qu'il le veuille évidemment, une autre source de souci pour Gary Cooper. Avec une mise en scène frontale et épuré de tout attrait lié au spectaculaire, Fritz Lang fait d'une bonne partie de Cape et Poignard un film sous tension, assez réaliste (les personnages parlent leur langue d'origine) et dont les scènes à suspense, nombreuses, sont d'une belle efficacité, nous entraînant en Suisse ou en Italie, à travers divers paysages et ambiances. La séquence de la bagarre vers la fin du film, entre Gary Cooper et un agent de la Gestapo, dans une entrée d'immeuble, est à ce titre une vraie réussite tant le réalisme est frappant : on se demande même si le méchant nazi ne griffe pas réellement le visage de Gary Cooper dans cette scène ! Le rythme qui ne faiblissait jamais va s'atténuer quelque peu lorsque Fritz Lang met en place une romance entre Gary Cooper et Lilli Palmer, liaison touchante de par son impossibilité à exister en cette période de guerre, mais qui s'éternise un peu trop à mon goût, sans toutefois que cela ne devienne un frein à la réussite du film. On pense souvent au couple Cary Grant / Ingrid Bergman des Enchaînés en regardant le couple Cooper / Palmer. On pourrait trouver plus mauvaise comparaison. Rendant un véritable hommage à tous ces héros de l'ombre, à tous ces résistants qui ont souvent payé de leur vie afin que le nazisme ne triomphe pas, Cape et Poignard mérite d'être réévalué et de se voir mieux considéré dans l’impressionnante filmographie de Fritz Lang. Le réalisateur, connu pour son humeur massacrante et son manque d'empathie envers ses équipes ou ses acteurs, ne tarissait pas d'éloges sur Gary Cooper à propos de ce film. Il avait bien raison tant sa prestation lui donne de l'ampleur et de la superbe. Amateurs de beaux films à la mise en scène ciselée, n'hésitez pas à vous procurer Cape et Poignard !
* Disponible en DVD et BR chez RIMINI EDITIONS
LE BR :
L'éditeur nous informe que la copie présentée ici a été réalisé à partir d'un master haute définition mais que quelques défauts n'ont pas pu être corrigé et qu'il s'en excuse. Très honnêtement, il faudrait vraiment faire la fine bouche pour lui tenir rigueur des quelques petites griffures présentes ici et là, tant la qualité de l'image s'avère plus que correcte et permet de découvrir ce film oublié de Fritz Lang dans de très bonnes conditions et au format d'origine (1.37 - 16/9). Deux bonus très intéressants sont présents : "Fritz Lang, nazis et espions" donne la parole à Bernard Eisenschitz, historien du cinéma, qui revient sur le départ de l'Allemagne de Lang et sur ses quatre films anti-nazis. Le module "Le Projet Cape et Poignard" présenté par Christian Viviani nous propose sa vision de cette oeuvre de Lang et se montre passionnant quand ce professeur de l'université de Caen nous explique les rapports et les rivalités entre Lang et Hitchcock !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire